Par Jean-Paul Brighelli
Publié le - Modifié le | Le Point.fr
Le ministère a dû organiser un second concours pour une académie particulièrement sensible. Un concours au rabais ?AFP©Jean-Christophe Verhaegen
Le ministère promet des milliers de postes, mais, faute de candidats sérieux, 25 % d'entre eux ne seront pas pourvus. Chronique d'un désastre.
La ministre avait promis 4 000 postes supplémentaires pour organiser la grande gabegie de sa réforme du collège.
Elle n'a pas de chance, des centaines de postes ne seront pas pourvus à la rentrée.
La saison des concours de recrutement est derrière nous.
Et l'on sait déjà que près de 5 000 postes, attribués par le ministère et mis à la disposition des jurys, ne sont pas pourvus. Promesses et Déficit vont en bateau, Promesses tombe à l'eau.
Quelques passionnés et beaucoup de médiocres
Les jurys sont méchants : ils ont gardé sous le coude près de 25 % des postes.Les 50 000 postes supplémentaires du candidat Hollande, auxquels aucun enseignant sérieux ne pouvait déjà croire en 2012, sont aujourd'hui un puissant sujet d'hilarité douloureuse.
Les 4 000 promis par Mme Vallaud-Belkacem sont eux aussi un sujet de rigolade meurtrie.
Si les jurys n'ont pas attribué ces postes, c'est que les candidats étaient très faibles.
Mais pourquoi l'étaient-ils ?
Parce que les étudiants à peu près potables passent d'autres concours (dans la fonction publique territoriale, par exemple) ou se lancent dans d'autres carrières – le journalisme, l'édition pour les spécialistes de sciences humaines, l'industrie, via les écoles d'ingénieurs pour les scientifiques.
Reste le rebut, et les passionnés.
Les passionnés décrochent le concours – Capes ou agrégation.
Quant au rebut…
Que se passe-t-il pour qu'un métier qui fait soi-disant tant de jaloux, à cause des vacances et d'horaires hebdomadaires allégés (croit-on), sans compter la sécurité de l'emploi – mais pour combien de temps encore ? – soit en définitive si peu attirant que seuls, ou presque, des étudiants en semi-échec optent finalement pour la profession d'enseignant ?
Même le concours de professeur des écoles, qui a longtemps été une cible d'étudiants motivés et désireux de ne pas quitter leur région (quand on enseigne dans le secondaire, la première affectation est le plus souvent à des centaines de kilomètres de chez vous), ne parvient plus à faire le plein.
Déjà que le seuil de recrutement était incroyablement bas (4,17/20 en moyenne, note Rue 89), l'État a été obligé d'instaurer un second concours en 2015 pour pallier les manques dans une académie éminemment sensible.
Les cancres aussitôt sont accourus, le niveau a toutes les chances de monter.
Mme Vallaud-Belkacem s'en félicite – de quoi ne se félicite-t-elle pas ?
Qui veut devenir gentil animateur ?
Le Snes, analysant ces résultats pitoyables, lance : « Revalorisation et prérecrutements ne peuvent plus attendre. »L'augmentation des salaires n'est pas d'actualité (actuellement entre 1 325 et 1 640 euros pour un débutant, soit 35 % de moins qu'un cadre A du reste de la fonction publique – sans même chercher à comparer avec un recrutement dans le privé à bac + 5).
Le pré-recrutement (former par exemple à bac + 2, via un pré-concours qui attribuerait une bourse convenable en échange d'un engagement à servir l'État, ce qui n'est pas inutile dans une profession que près de 70 % de ses membres rêvent de quitter) serait une option, mais hors de portée des petits esprits qui grouillent Rue de Grenelle.
Le cœur du problème est en fait pédagogique.
Tant que les programmes et l'organisation du collège et du lycée (et même du primaire) resteront ce qu'ils sont (et, pire encore, ce qu'on est en train d'en faire), aucun individu sain d'esprit ne se lancera dans une carrière qui ressemble de plus en plus à un destin de gentil animateur lancé dans la cage aux lions : voir les conseils significatifs que donne Sybille Person, professeur à l'ICN Business School.
Nous serons désormais des professionnels de la tablette, du zapping et du gros câlin.
Pour ce qui est de la transmission de connaissances, pas de nouvelles.
Peu importe le vote enseignant
Un tout récent sondage confirme ce que j'avançais en mars : les enseignants ne seraient apparemment plus que 21 % à envisager de voter pour François Hollande en 2017.Les autres lui « tournent le dos » – et lui montrent leur…
Ce qui ne signifie pas qu'ils voteront à droite.
En 2002, première désaffection notable.
Sur de nombreux bulletins Jospin, les enseignants avaient écrit « Allègre » – le ministre porteur d'une réforme honnie.
Combien seront-ils désormais – et dès les régionales – à barrer le nom du candidat de gauche d'un « NVB » (ou, variante, « réforme du collège ») rageur ?
Mais le PS a fait une croix sur le vote enseignant.
Son pourvoyeur d'idées, Terra Nova, lui conseille depuis 2012 de flatter les descendants d'immigrés, en autorisant tous les aménagements possibles de la laïcité.
Hollande est bien capable d'entériner une reddition culturelle et civilisationnelle pour se faire réélire.
En ce cas, après lui le déluge.
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