Le 24/10/2015
Si les producteurs de DPDA avaient décidé d’inviter la présidente du FN, c’était parce qu’ils étaient assurés de faire de l’audience.
Le spectacle, très réussi, a tenu en haleine un large public jusqu’au coup de théâtre final qui a aussitôt entraîné le baisser du rideau.
Premier point, à ne pas perdre de vue.
L’actuel président de la République et son prédécesseur, candidats non encore officiellement déclarés mais dont personne, à commencer par eux, ne doute qu’ils s’affronteront de nouveau en 2017, s’ils le peuvent, développent deux stratégies parallèles pour le premier tour, et convergentes pour le second, à ce détail près, évidemment, que chacun des deux se voit y accéder et souhaite l’élimination de son rival.
François Hollande, pour sa part, qui se présente en candidat naturel de la gauche, se tient pour dispensé d’une primaire et considère, en dépit de son impopularité, que s’il parvient, à la lumière du désastre annoncé des régionales, à être le candidat unique de son camp, ou au moins à y réduire au maximum la concurrence, ses chances de se qualifier pour la finale sont réelles.
Sarkozy compte de son côté sur les écologistes et sur Mélenchon pour faire échouer Hollande.
Nicolas Sarkozy, quant à lui, fait tout pour arriver en tête de la primaire dont il a dû accepter le principe mais dont il supervise l’organisation comme il a la haute main sur les investitures aux législatives.
S’il l’emporte sur ses nombreux challengers, il compte apparaître comme le candidat unique de la droite et du centre.
Hollande espère sans pouvoir le dire que, même dans cette hypothèse, Juppé ou à son défaut Bayrou se jetteront dans les jambes de Sarkozy et l’empêcheront de franchir l’obstacle.
Quant au deuxième tour, s’il ne se joue pas entre eux, il devrait opposer celui des deux qui aura dépassé l’autre à Marine Le Pen.
C’est le cas de figure qui a logiquement leur préférence car, si rien ne change d’ici deux ans, il devrait aboutir à un nouveau 21 avril, à l’endroit ou à l’envers, c’est-à-dire à la mobilisation massive des moutons de Panurge à qui on fera une fois encore – la dernière sans doute – le coup du grand méchant loup.
Et ce serait la victoire, pas à 80-20 comme en 2002, mais à 60-40 et le début de l’ultime quinquennat du système.
Dans ces conditions, François Hollande voit en Marine Le Pen non plus la femme à abattre dès maintenant mais le repoussoir idéal et donc une chance.
Qu’elle gagne une région, deux régions, et c’est tant mieux car la gauche pourra décréter la mobilisation générale contre le diable.
Hollande croit ainsi s’inspirer du grand tacticien qu’était Mitterrand et qui avait effectivement utilisé le Front national et la proportionnelle en 1986 pour priver la droite de sa majorité.
Mais le jeu à l’époque était moins dangereux qu’aujourd’hui car l’électorat du Front se situait aux alentours de 10-12%.
Sarkozy, quant à lui, est partagé, car il ne sait pas encore si son adversaire du second tour sera Hollande, ce qui l’amènerait à mettre la barre à droite toute pour récupérer les électeurs de Marine Le Pen, ou Marine Le Pen, ce qui le conduirait à faire appel à tous les républicains pour barrer la route à l’extrême-droite.
Quoi qu’il en soit, si les producteurs de Des paroles et des actes avaient décidé d’inviter la présidente du Front national, pour la cinquième fois depuis la naissance de l’émission, c’était sans doute parce qu’ils étaient assurés, avec cette cliente, de faire de l’audience, c’était probablement parce qu’ils pensaient qu’en haut lieu on n’y mettrait pas le holà, c’était peut-être aussi, allez savoir, au vu des derniers sondages et de la montée spectaculaire du Front, pour tenir compte du présent et ne pas insulter l’avenir.
Ils n’avaient pas prévu qu’au nom de leurs partis respectifs et de l’équité (!) – car ce n’est pas parce que l’on fausse systématiquement le jeu de la démocratie que l’on n’en réclame pas le respect – Jean-Christophe Cambadélis et le président de Les Républicains, un certain Nicolas Sarkozy, effectueraient une démarche conjointe pour exiger la présence du concurrent socialiste et du concurrent UMP de Marine Le Pen.
Ils n’avaient pas prévu que le CSA donnerait de la voix.
Ils n’avaient pas prévu qu’ils seraient contraints de chambouler au dernier moment leur propre émission et de proposer à leur invitée un montage grotesque, véritable usine à gaz conjuguant le national et le régional.
Ils n’avaient surtout pas prévu que dans ces conditions elle leur claquerait la porte au nez en refusant de se prêter à des marchandages et à des contorsions et qu’elle pointerait le projecteur sur l’évidente connivence entre l’ex-UMP et le PS.
Il faudra bien que la classe politique et la classe médiatique se fassent une raison : le temps n’est plus où Jean-Marie Le Pen ne pouvait mettre les pieds sur un plateau sans se plaindre de n’y être jamais invité.
Marine Le Pen n’a que l’embarras du choix pour trouver des caméras, des micros et des tribunes.
Et l’on ne peut plus traiter le leader d’un parti légalement autorisé qui réunit un tiers des suffrages exprimés et peut-être même davantage comme on se permettait de le faire.
Au fait, et puisque David Pujadas a mélodieusement gémi sur l’impossibilité qu’il y aurait selon lui à organiser « un débat démocratique », ignore-t-il à ce point le pays où il vit qu’il ait oublié une fois de plus que notre vie politique ne se résume pas à l’UMP, au PS et au Front national et qu’il n’y a pas de démocratie là où l’on nie le pluralisme ?
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