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vendredi 4 octobre 2013

Avalanche de contre-vérités sur les armées dans les médias.

par

Une chose est certaine :  l’homme d’affaires Pierre Bergé et Daniel Bilalian, patron du service des sports de France2, ne sont pas des habitués de Zone Militaire, pas plus que des autres sites de la “blogosphère” de défense ou encore la presse spécialisée.
 
Pour l’écrivain Denis Tillinac et le journaliste Claude Askolovitch, en revanche, le doute est permis.
 
Pourquoi parler de ces personnalités, qui, précisons-le, n’ont aucun problème pour accéder à l’information, Pierre Bergé étant même co-actionnaire d’un grand quotidien du soir?
Parce qu’elles ont été invitées à évoquer les coupes dans le budget des armées à lors de l’émission “On refait le monde“, diffusée le 2 octobre sur les ondes de RTL, “première radio de France”.
C’est dire que les propos tenus à l’antenne peuvent avoir un certain impact.
 
Seulement, pour exprimer un avis sur un sujet donné, encore faut-il le connaître un minimum.

 Sauf à sortir des énormités.
 Et, s’agissant des questions de défense, les chroniqueurs de « On refait le monde” nous ont gâtés! Un record en 8 minutes !
Déjà, l’on a pu en avoir un avant-goût dès le lancement du sujet où il est demandé à un journaliste de faire le tour des réseaux sociaux (comprendre Twitter). Là aussi, on n’a pas été déçu quand il a été avancé, en citant un “twittos”, que des “économies substantielles” pourraient être réalisées “en réduisant le nombre de généraux (…) très élevé chez nous en comparaison du Royaume-Uni”.
Ah bon? Comparons ce qui est comparable.
Pour ce qui concerne les forces, le nombre d’amiraux et de généraux servant dans la Marine nationale, l’armée de l’Air et l’armée de Terre est de 303, contre 466 au Royaume-Uni. Soit un ratio de 1/754 contre 1/361 pour les Britanniques! Pour le savoir, suffit d’aller fouiner dans les rapports de la Cour des comptes, laquelle est impitoyable quand il s’agit de faire des économies.
Sans doute que la confusion vient de la “2e section”, c’est à dire le statut des généraux en retraite qui leur donne quelques avantages, que l’on peut toujours discuter, mais dont le coût est relativement modeste (3,1 millions d’euros en 2008 en indemnités SNCF).
 
Mais le meilleur reste à venir. “Je l’ai entendu posé récemment (où?), c’est le problème de : ‘est-ce que cette armée que nous avons, qui est une armée de guerre froide, est encore adéquate? Est-ce qu’on a encore besoin, maintenant que l’Union soviétique a été remplacée par la Russie, de sous-marins parce que des sous-marins pour aller dans le désert, traquer les terroristes, à mon avis, ce n’est pas d’une très grande utilité. Est-ce que notre armée d’aujoud’hui est une armée de guerre froide qui correspond encore à la situation du jour?” Voilà in extenso ce qu’a déclaré le journaliste Daniel Bilalian.
 
Manifestement, M. Bilalian a dû louper quelques épisodes.
 
Depuis la chute de l’URSS, l’armée française est devenue professionnelle, ce qui a eu pour conséquence la suspension de la conscription, que, par ailleurs, le journaliste a indiqué, plus tard, regretter.
Bonjour la cohérence!
En outre, le format des forces stratégiques a été réduit, le plateau d’Albion et ses missiles sol-sol ayant fermé. D’où le maintien des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE)… Sauf à remettre en cause la dissuasion, voilà pourquoi il y en a encore.
En outre, l’on assiste actuellement à une prolifération des sous-marins dans le monde. Notamment en Asie du Sud-Est où des pays qui n’en disposaient pas cherchent maintenant à en avoir. Pourquoi la France y renoncerait-elle? Et cela d’autant plus qu’avec la mondialisation des échanges commerciaux, la protection des routes maritimes pour assurer la continuité des approvisionnements est cruciale.
Le rôle de l’armée, M. Bilalian, ne se résume pas à aller botter les fesses des barbus dans le désert !
 
Pour Pierre Bergé, il est cependant “évident” que “l’on n’a pas besoin de ça (ndlr, des sous-marins). Et d’ajouter : “Il faut arrêter cette vieille armée, je dirais en gros. Moi, je suis tout à fait partisan du nucléaire. Alors faudrait savoir ce qu’on veut et ce qu’on fait. A l’époque du nucléaire, est-ce qu’il est normal d’entretenir encore des trouffions (sic) dans des casernes, pour qui? pour lutter contre qui?”, a-t-il affirmé, ajoutant, toutefois, qu’il ne fallait “pas perdre des capacités d’intervention comme au Mali”
 
Tout en confessant qu’il ne “connaissait pas bien le sujet” et qu’il “n’était pas spécialiste”. Mais il n’était pas besoin de le préciser, on s’en était rendu compte…
Toujours dans la même veine, le journaliste d’investigation Yvan Stéfanovitch publie, aux Editions du moment, un livre dénonçant les gabegies de l’armée française et dont certains médias s’en font l’écho cette semaine. Là encore, on a droit à un florilège!
“A quoi servent tous ces régiments de sous-préfecture? Je suis allé y regarder de près, vous en avez qui ne sont pas sortis de leur caserne depuis des décennies. Alors à quoi ils servent? A verser localement des soldes qui font vivre des petits commerces, des cafés, des réparateurs automobiles”, a ainsi affirmé ce journaliste au mensuel Capital.
 
Visiblement, Yvan Stéfanovitch a réalisé l’exploit de trouver des régiments qui n’ont pas engagé de personnels dans une opération extérieure depuis au moins 10 ans.

 On voudrait bien qu’il précise lesquels car on a beau chercher mais on n’en trouve pas…
Mais Yvan Stéfanovitch poursuit :
“On a certainement besoin de quelques avions pour patrouiller notre espace aérien, mais pas de 300 chasseurs-bombardiers. Et de quelques navires de guerre, mais pas d’une armada surdimensionnée…”.
Déjà, qu’il se rassure, la prochaine LPM prévoit 225 avions de combat, qui devront avoir le don d’ubiquité… Et pourquoi pas, tant qu’on y est, louer des Cessna pour faire la police du ciel? Quant à “l’armada”, c’est un bien grand mot, puisque son format a été tellement réduit qu’elle a de la peine à remplir l’ensemble de ses missions. Combien de frégates et de patrouilleurs pour surveiller la deuxième plus importante zone économique exclusive du monde déjà?
 
L’Express a quant à lui publié les bonnes feuilles du livre d’Yvan Stéfanovitch.
 
Un des extraits choisis est en fait une charge contre le char Leclerc, qualifié de “dinosaure” trop coûteux. Si l’on peut discuter de la façon dont a été conduit ce programme d’armement, en revanche, il semble plus hasardeux de remettre en cause définitivement son utilité.
Ce qu’a fait ce journaliste en se permettant de citer Charles Maisonneuve, spécialiste de l’arme blindée, pour appuyer sa démonstration alors que ce dernier a défendu le char de bataille dans son dernier livre “Les combats de la cavalerie blindée”.
“L’historien des blindés Charles Maisonneuve remet en perspecitive la seule utilité très virtuelle du ‘meilleur char du monde’: ‘Le Leclerc est sans doute, avec l’hélicoptère Tigre, le dernier outil doté d’un affichage politique de l’armée de Terre. Quand le chef des armées, le président de la République, décide de l’envoi de chars de bataille à chenilles, ce geste n’a pas la même signification que quand il envoie des transports de troupes [...] sur roues”, peut-on lire dans l’extrait publié par l’Express.
 
Seulement, Yvan Stéfanovitch aurait dû continuer la lecture de l’ouvrage de Charles Maisonneuve.
 
Dépassé le char lourd, vraiment? Alors pourquoi le marché concernant ce type de matériel prévoit, dans le monde, la vente de 1.500 exemplaires neufs par an sur la période 2011-2030. Et c’est sans compter sur les pays qui comptent en acquérir d’occasion. Pourquoi les forces américaines en ont utilisés lors de la bataille de Falloujah, en 2004 et que l’armée canadienne a envoyé ses Leopard 2 en Afghanistan? Pour leur faire prendre l’air?
Dans un article publié par le blog Pensées Mili-Terre, édité par le Collège de l’enseignement supérieur de l’armée de Terre (CESAT), le chef d’escadrons Philippe de Tanouarn, explique : “Le char lourd du futur, parce qu’il permet au chef interarmes de saisir une opportunité, de reprendre l’initiative, de créer la percée et de désorganiser le dispositif défensif ennemi par le biais de raid blindé, est une arme indispensable pour un pays qui veut pouvoir intervenir tant dans un conflit asymétrique que symétrique”. Et cela d’autant plus que la zone d’action privilégiée des armées pour les années à venir (…) est favorable dans sa majeure partie à l’emploi des blindés.”

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