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samedi 19 octobre 2013

Policiers : le découragement guette.


Arrestation d'un suspect par police-secours, dans un squat du nord de Paris. Photo © Marc Charuel


Excédés. Ils ont l’impression que “la justice leur noue les mains”. Un sentiment d’exaspération gagne les policiers et les gendarmes.

 Jean-Claude Delage : "La Justice présente une réforme qu'on croirait conçue pour démobiliser les policiers"

 
Dans le funiculaire de Montmartre, cinq policiers discutent avant de prendre leur service. « Hier, j’ai vu des gamins, des Roms, qui chapardaient », dit l’un. « Bah ! t’as qu’à les envoyer chez Taubira ! », réplique un autre, en haussant les épaules. Rires jaunes.
Nombreux sont les policiers qui souffrent de passer leur journée à remplir un panier percé. Mohamed Douhane est secrétaire national du syndicat Synergie Officiers. « Ce sentiment d’exaspération et de découragement n’est pas né en mai 2012, mais en 2010 », précise-t-il (un an après le vote de la loi pénitentiaire, qui multipliait les aménagements de peine). « Et il ne fait que s’amplifier. »

Des histoires de voyous arrêtés puis libérés, tous peuvent en raconter des tonnes. « L’autre jour, des collègues interpellent à Saint-Denis un individu déjà mis en cause dans des trafics de stupéfiants. Il a sur lui plusieurs doses de cocaïne. Le parquet l’a pourtant laissé en liberté. »
Ailleurs, ce sont des gendarmes qui arrêtent, de nuit, des voleurs de cuivre en flagrant délit. Au matin, ils seront relâchés à la demande du parquet.
 Bien sûr, il y a des raisons matérielles à cela : juridictions débordées, manque de moyens et de magistrats.
Néanmoins, les policiers ont l’impression que la justice « leur noue les mains » et que les juges ne poursuivent pas le même objectif qu’eux : la sécurité des Français.
 « On se tire une balle dans le pied », résume Loïc Lecouplier, du syndicat Alliance Police nationale. « Les mineurs, surtout, sont dans un sentiment de totale impunité », souligne Mohamed Douhane.

Le 7 octobre, une fusillade éclate entre la brigade anticriminalité de Lyon et deux jeunes, qui sont mis en examen pour tentative d’homicide. Le juge des libertés et de la détention refuse de les placer en détention au motif qu’ils ont des “garanties de représentation”. « Deux jours après, l’un des deux était déjà dans la nature », conclut Mohamed Douhane.

La presse locale se fait souvent l’écho de cette absurdité. « Arrêtés et remis en liberté quatre fois en treize jours » (l’Union, 27 août 2010) ; « Un voleur interpellé cinq fois en l’espace de dix jours » (Sud-Ouest, 8 février 2011) ; « Arrêtés trois fois dans la journée par la police » (l’Indépendant, 24 juin 2012). Même quand il est jugé, le malfaiteur peut être remis en liberté.
Le 1er août, la justice a relâché, faute de place en prison, trois malfaiteurs condamnés à trois mois ferme.
 Marc Thiéfry, du syndicat Alliance, fait état du désarroi des policiers de Dreux : « On se demande ce qui se passe. Après avoir interpellé des voyous, nous avons besoin que le pénal suive derrière. »
Selon Mathieu Molines, doctorant au Centre de recherche de management de Toulouse, 69 % des policiers seraient « totalement démotivés », dont plus de la moitié au bord du burn-out.

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