Analyse et réaction de Maître Régis de Castelnau au micro de Boulevard Voltaire.
Francis Lalanne est visé par une enquête pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Cette accusation est extrêmement grave puisque le chanteur risque cinq ans de prison et 45.000 euros d’amende. De mémoire, cela fait des décennies que nous n’avons plus entendu une telle mise en examen.
Nous n’avons plus entendu une telle mise en examen depuis le 22 avril 1961, avec le coup d’État des quatre généraux à Alger. Le texte incrimine un certain nombre de faits, dont celui d’appeler les forces armées à la rébellion. Il faut l’avoir fait dans le but de porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. C’est une condition impérative.
Francis Lalanne est un chanteur fantasque et fantaisiste qui, depuis vingt ou trente ans, dit tout le temps n’importe quoi. Il a choisi d’aller sur France-Soir pour faire un article disant que l’arrivée d’Emmanuel Macron était le fruit d’un coup d’État judiciaire, etc. L’exercice de son pouvoir est effectivement illégal et irrégulier.
Cette affaire rappelle l’espèce de duel absurde qui avait eu lieu pendant le mandat de François Hollande entre Manuel Valls et l’humoriste controversé Dieudonné. On a l’impression que le pouvoir se ridiculise en allant chercher des clowns pour en faire des victimes politiques.
Dieudonné est un des meilleurs amuseurs, c’est d’ailleurs la raison pour laquelle il est très politique. J’aurais tendance à dire que c’est en chantant et en disant des bêtises que le pauvre Francis Lalanne porte atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. Toujours est-il que c’est tout de même inquiétant de se retrouver dans une situation où on a un État faible. Je ne parle pas seulement du terrorisme, mais il y a également le problème de l’insécurité, les quartiers perdus, etc. Il sort la grosse artillerie dès lors qu’on s’oppose verbalement ou par écrit au pouvoir en place. Je trouve qu’il est très inquiétant d’avoir ces réflexes. L’incrimination n’a jamais été utilisée sous sa forme actuelle. Lorsqu’on lit ce qu’avait écrit Francis Lalanne, on se dit que ce type n’est pas sérieux. Vous pensez bien que depuis qu’il l’a fait, personne, dans l’armée, n’a bougé.
Le fond du texte est assez grave. L’État n’est pas faible au point d’aller persécuter un chanteur…
Effectivement, on constate cette espèce de disproportion et le caractère complètement ridicule. Ce pouvoir a pris l’habitude de porter atteinte à la liberté d’expression. Francis Lalanne l’a exercé comme il fait d’habitude, c’est-à-dire en disant n’importe quoi. C’est un signal envoyé. Merci, les magistrats ! Quelle est cette façon, pour les magistrats du parquet, de lancer cette procédure pour intimider et pour porte atteinte à la liberté d’expression ? C’est devenu une habitude. Voilà ce qui m’ennuie, dans cette affaire. Cela pourrait être seulement ridicule, mais c’est plutôt inquiétant.
Quelle est cette République qui a peur de Francis Lalanne ?
Je crois qu’elle n’a pas peur de Francis Lalanne. Elle a peur d’autre chose et elle est en train de se préparer dans une année préélectorale pour essayer de conserver le pouvoir. Je pense que cela en dit long sur les méthodes qu’elle est prête à utiliser. On a eu l’amendement concernant le vote par anticipation. Et maintenant, il y a tout un tas de petits signaux faibles ou forts qui montrent bien le caractère illibéral du pouvoir actuel installé à l’Élysée. Je pense qu’il faut être vigilant.
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