L’Union Européenne comprend la majorité des pays à l’Ouest de la Russie en Europe.
Nombre de ces Etats sont également membres de l’OTAN, organisation dirigée prioritairement contre le bloc soviétique et qui demeure hostile à la Russie comme si cette dernière en était la continuation.
La volonté de poursuivre l’élargissement vers l’Est de l’UE et de l’OTAN notamment en englobant les anciennes républiques soviétiques telle l’Ukraine est ressentie comme une menace par Moscou, échaudé par la promesse non tenue de ne pas intégrer les républiques baltes. Il y a deux manières d’envisager la tension à nouveau créée autour de l’opposant russe Alexeï Navalny. Soit c’est un épisode du feuilleton relatant la lutte westernienne du bien contre le mal, dont le scénario est typiquement américain, et où la Russie a pris le rôle de l’URSS. Un événement et un personnage central sont montés en épingle pour stigmatiser le caractère injuste et cruel du pouvoir en place, des manifestations sont organisées, et les médias occidentaux dénoncent la répression et l’illégitimité d’un pouvoir qui n’est pas celui d’un Etat de droit, étant entendu que les procureurs, eux, sont sur ce plan irréprochables.
L’autre lecture des événements est très différente. Elle repose sur trois principes. Le premier consiste à reconnaître l’indépendance des Etats et leur droit à construire leur politique sur leur identité. La Russie est le plus vaste pays de la planète. Elle n’a jamais connu de démocratie de type occidental et est passée presque directement de l’autocratie tsariste au totalitarisme marxiste qu’elle a subi dura plus de 70 ans.
Elle bénéficie aujourd’hui d’un régime qui demeure centré sur un pouvoir personnel, mais qui n’a rien de commun, ni dans le fond, ni dans la forme avec le régime communiste. L’URSS incarnait une idéologie qui avait vocation à s’imposer au monde entier, et dans ce but soutenait de multiples guerres contre les démocraties occidentales faute de pouvoir les attaquer de front en raison du risque nucléaire. La séparation entre la Chine et la Russie a fait apparaître en surface la réalité que l’idéologie dissimulait. Les réalités de la géopolitique sont les Etats-nations voire les Empires. La Russie n’est plus un empire. L’éclatement de celui-ci l’a affaiblie et il suffit de voir le tracé de sa frontière avec la Chine en pleine expansion sur tous les plans pour mesurer une fragilité démographique et économique que sa puissance militaire relative compense partiellement. Elle est aujourd’hui un pays qui paradoxalement incarne le conservatisme avec ses trois piliers, le patriotisme, la dimension religieuse, et l’opposition au progressisme “sociétal”. Il est facile de comprendre que cette identité retrouvée est avant tout une nécessité pour sa survie, puisque l’abandon de ces valeurs est la cause même de notre décadence. En raison de sa géographie et de sa population, par exemple une forte minorité musulmane, la Fédération de Russie est exposée à l’implosion et doit s’en prémunir. L’acharnement de Washington et particulièrement des démocrates à son encontre repose non sur des principes éthiques, mais sur sa faiblesse même. Il est plus délicat de s’en prendre à la Chine… Le cynisme de la stratégie américaine néglige totalement le fait que la Russie fait partie de notre civilisation, et par exemple défend les chrétiens persécutés au travers de plusieurs de ses interventions en Afrique et évidemment en Syrie.L’Occident politique a trahi son appartenance civilisationnelle au profit d’un rapport de forces d’abord économique et ensuite juridique. Il s’agit de bloquer la croissance russe par des sanctions, par des évictions de certains marchés, par exemple en freinant ses exportations énergétiques. Paradoxalement, le droit est utilisé comme une force, en disqualifiant la Russie comme Etat de droit, et en cherchant par ce biais à l’isoler, notamment par rapport à son partenaire géographique évident, le voisin européen. Le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne (UE), qui se tiendra le lundi 22 février 2021 à Bruxelles, sera dédié aux relations qu’elle doit construire avec la Russie. Le haut représentant européen pour les Affaires étrangères rendra compte des résultats de son voyage à Moscou du 5 février. Josep Borrell y était allé notamment pour demander la libération de l’opposant Alexeï Navalny. Sergueï Lavrov avait dénoncé publiquement à cette occasion l’«exceptionnalisme» des Occidentaux qui, selon lui, s’arrogent le droit de s’ingérer, comme ils veulent et quand ils veulent, dans les affaires intérieures des autres pays. En guise de leçon, trois diplomates européens avaient été expulsés pour avoir participé à des manifestations. En retour, trois Russes étaient également renvoyés chez eux, par des Européens, Mme Merkel pointant du doigt une Russie étrangère à l’Etat de droit… Mais elle a en revanche maintenu son soutien au gazoduc Nord Stream 2. Berlin s’aligne politiquement sur l’Amérique mais pas au point de lui sacrifier ses intérêts économiques.
Quant à la France, elle pourrait aujourd’hui saisir l’opportunité de ce trouble diplomatique européen pour se rapprocher de la Russie. A l’époque déjà lointaine où le Figaro célébrait la réussite diplomatique de Macron recevant Poutine à Versailles, le premier avait cru comme ses prédécesseurs tenter de sermonner son invité sur les droits de l’homme, allant même jusqu’à lui parler des LGBT… Quatre ans plus tard, les manifestations des Gilets jaunes durement réprimés, les élections passant plus ou moins à la trappe du covid après un coup d’Etat judiciaire initial, une séparation des pouvoirs anéantie, une Assemblée aussi mal élue que totalement soumise, un état d’urgence qui n’en finit pas, et une restriction des libertés sans précédent, il faut en rabattre de l’exemplarité démocratique de l’Etat de droit : place au réalisme !
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