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mercredi 23 avril 2014

Des banlieues au djihad : itinéraire d'une certaine jeunesse française

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Par Tarik Yildiz
Publié le 23/04/2014 à 10:33  
ZAC BAILLIE / AFP
ZAC BAILLIE / AFP Crédits photo : ZAC BAILLIE/AFP

FIGAROVOX/ANALYSE- Qu'est-ce qui pousse de jeunes français à partir combattre en Syrie ? Pour le sociologue Tarik Yildiz, le succès du djihad islamique en France témoigne d'une crise profonde de l'intégration.
 

Tarik Yildiz est sociologue, président du think tank l'IRPAM (www.irpam.fr) et notamment auteur de Le racisme anti-blanc.


En guerre depuis plus de trois ans, la Syrie attire des jeunes du monde entier rêvant de mourir au combat et ainsi trouver la paix éternelle promise aux martyrs.
 Si certains jeunes Français ont franchi le pas -ils sont a priori moins de 1000-, les candidats au départ sont de toute évidence bien plus nombreux.
Pourquoi cet intérêt?
Que vont chercher ces jeunes?
 De quelle jeunesse parle-t-on?
 Bien que les trajectoires individuelles aient toujours leurs spécificités (environnement familial, capital culturel, etc.), les apprentis djihadistes présentent des traits communs qui nous poussent à réfléchir sur notre société et son évolution.
Français, nés en France, ces jeunes sont généralement des hommes issus des quartiers populaires en périphérie des grandes agglomérations.
 Enfants des banlieues, ils ont parfois connu la petite délinquance: vols, agressions, petits trafics…
 Certains d'entre eux ont séjourné en prison après la réitération de nombreux délits.
D'autres n'ont jamais été inquiétés par la justice, mais tous ont généralement un point commun: leur pratique religieuse a fortement évolué en l'espace de quelques mois.
Superficiellement religieux pendant leur adolescence et leur éventuel parcours délinquant, ces jeunes se sont radicalisés et ont adopté une autre vision de l'islam sunnite, dite «littéraliste».
 Ils abandonnent la petite délinquance pour se consacrer à cette «nouvelle» religion apprise en prison, au sein du quartier, ou même sur certains sites internet spécialisés, appelant à la guerre sainte contre le «mal»: l'Occident décadent, les chrétiens, les juifs, les courants minoritaires au sein de l'islam comme le chiisme…
Lorsqu'ils concrétisent leur rêve de djihad, le processus de radicalisation est finalisé: s'ils ne sont pas tués sur le champ de bataille, le retour dans leur pays d'origine, la France, semble inéluctable.
Dans leurs bagages, ils ramènent avec eux une formation, un prestige certain et la conviction renforcée d'un nécessaire affrontement entre leur idéologie et les autres.
Outre les réflexions autour du discours guerrier du gouvernement français vis-à-vis de l'Etat syrien, qui a probablement contribué, dans une certaine mesure, à banaliser l'idée de combattre cet ennemi par tous les moyens, l'appétence de certains jeunes Français pour le djihad nous pousse à nous interroger sur ce qu'a produit notre société.

Le langage ferme, guerrier et jusqu'au-boutiste des discours de la mouvance djihadiste contraste avec la mollesse caractérisant les actions et discours portés par l'Etat dans l'environnement d'origine de ces aspirants combattants.
 Ces derniers respectent les puissants, ou ceux qu'ils perçoivent comme tels, aussi bien d'un point de vue spirituel que physique.
La dimension radicale séduit des jeunes en manque de repères et d'autorité, désireux, consciemment ou inconsciemment, de tester les limites de la société.  Il convient donc de réfléchir collectivement à la manière d'imposer des repères à cette jeunesse: sanctionner justement mais fermement dès le premier délit, instaurer une discipline bienveillante au sein des institutions éducatives, renforcer l'idée d'une appartenance commune à travers, par exemple, l'instauration d'un service civique...  Il s'agit de combler ce fameux vide dont la nature a horreur.

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