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vendredi 4 avril 2014

Manifestations : le pavé parisien frise la surchauffe.

Par Christophe Cornevin
Mis à jour le 04/04/2014 à 16:23
Publié le 03/04/2014 à 18:40  
Manifestation contre François Hollande à l'appel du collectif Jour de colère, le 26 janvier à Paris.
Manifestation contre François Hollande à l'appel du collectif Jour de colère, le 26 janvier à Paris. Crédits photo : Vincent BOISOT/Vincent BOISOT/Riva Press

Manif pour tous, fronde anti-Hollande… le nombre de manifestations, déclarées ou non, explose.
«Casse-toi, Taubira!» Huant et entravant le passage de véhicules officiels qui quittaient la Chancellerie, plus d'une centaine de manifestants se sont regroupés mercredi à l'appel de la Manif pour tous pour fustiger la reconduction à son poste de la garde des Sceaux.
La place est restée bloquée à la circulation plus d'une heure et la tension est montée vers 20 heures lorsque CRS et gendarmes mobiles ont délogé les manifestants, dont Christine Boutin.
 Cinq interpellations ont ponctué cette opération coup de poing «non déclarée» en préfecture de police.
Quelques heures plus tôt, à proximité du Châtelet, cette fois, des dizaines de hooligans parisiens déclenchaient une violente bagarre avec des supporteurs anglais de Chelsea venus soutenir leur club en Ligue des champions.
 Semaine quasi «ordinaire» pour les experts de la Direction de l'ordre public et de la circulation, qui ont dû gérer depuis lundi deux mouvements sociaux de La Poste dans le VIIIe arrondissement, un rassemblement de Brésiliens aux abords de leur ambassade en souvenir du coup d'État de 1964, une sortie inopinée des «intermittents du spectacle, chômeurs et précaires», qui avaient déjà occupé le Carreau du Temple, ou encore une manifestation de soutien aux réanimateurs dans le VIIe arrondissement.

Grogne anti-Hollande

Agriculteurs ulcérés par la réforme de la PAC et la fiscalité, salariés de PSA menant des opérations coup-de-poing au siège de Peugeot ou à Pôle emploi, métallos de Florange qui veulent s'enchaîner aux grilles de Matignon, le pavé parisien est au bord de la surchauffe.
 La pression est d'autant plus forte que la grogne anti-Hollande électrise des collectifs plus ou moins contrôlables et sans meneurs identifiés
. Les «bonnets rouges» hostiles à l'écotaxe disputent les meilleures artères parisiennes aux «gilets jaunes» vilipendant les rythmes scolaires, aux «pigeons» et autres «citrons pressés» vent debout contre les impôts.
Selon un bilan porté à la connaissance du Figaro, le nombre de personnes défilant dans les rues de Paris a bondi de 9,5 millions à 11 millions entre 2012 et 2013.
Soit une augmentation de 14 % en un an… et de 77,4 % par rapport à 1999 (6,2 millions de manifestants).
 Dans le lot, la Préfecture de police observe que le nombre des «grosses manifestations», dépassant les 5000 participants, a quasiment doublé, pour atteindre les 25 en 2013.
 «Les rangs des cortèges abritant au moins 3000 personnes ont, eux, quasiment triplé de volume, passant de 512.000 à 1,46 million de personnes», confie un haut responsable de la Préfecture de police, qui impute partiellement cette flambée aux manifestations liées à la loi sur le mariage pour tous, promulguée le 17 mai dernier.
 «Les anti-mariage gay n'ont pas la culture de la manifestation», déplore le directeur de cabinet Laurent Nunez, qui rappelle que le nombre des manifestations revendicatives est passé de 3382 à 4411 l'année dernière.
Soit en moyenne un défilé ou rassemblement statique toutes les deux heures!
Dans certains cas, le lait déborde de la casserole, comme ce «jour de colère» du 26 janvier dernier où les identitaires, nationalistes, membres de Civitas et soutiens de l'ex-humoriste Dieudonné s'étaient heurtés aux forces de l'ordre aux cris de «Hollande, démission» et «CRS, police des Juifs».
Bilan: 250 interpellations et 30 policiers blessés.

Poignée de nostalgiques

Plus préoccupant encore, le nombre des manifestations «non déclarées» ne cesse de croître pour franchir la barre de 730 en 2013.
«Nos techniciens du maintien de l'ordre, qui ont fait face à des mouvements de foule sans incident majeur, sont confrontés à un phénomène nouveau qui veut que de plus en plus de groupes s'affranchissent sciemment de respecter les règles du jeu avant de descendre dans la rue», déplore-t-on à la Préfecture de police, où l'on cite, pêle-mêle, les «actions inopinées des Veilleurs, du Printemps français, de Greenpeace, les Femen, les Anonymous, anarchistes, les autonomes ou encore la droite ultra».
 Une poignée de nostalgiques ont ainsi été délogés de la place de la Concorde lors d'une dépose de gerbe commémorant le 6 février 1934.
 Certains ministres ont été chahutés, comme Christiane Taubira - encore elle - devant le Théâtre du Rond-Point début décembre ou Manuel Valls le 25 février à la sortie du Gaumont Opéra.
Imprédictibles, ces coups d'éclat contraignent les services de renseignement à déminer le danger en multipliant les cyber-patrouilles.
Des groupes d'enquête spécialisés explorent blogs, pages Facebook ou messages sur Twitter.
«Prévoir nous oblige à des investigations plus poussées, concède un officier. Par mots-clés, nous tentons de cibler des profils à risque et des mots d'ordre, mais cela reste aléatoire.»
 «Pour corser l'affaire, chaque tension sur la scène internationale se traduit par des actions dans Paris», note-t-on au cabinet du préfet.
 Pro ou anti-Morsi qui fondent sur le centre culturel égyptien, opposants de la République démocratique du Congo, «euromaïdan» solidaires avec les insurgés ukrainiens investissant Beaubourg et les Invalides ou frères musulmans devant l'ambassade du Qatar: selon nos informations, les contentieux diplomatiques représentent 26 % des manifestations.

 Un vrai casse-tête pour les 1500 experts de l'ordre public de la Préfecture de police, qui doivent composer avec une réalité de plus en plus complexe, imprévisible.
 Et à moyens constants.

 Napoléon Bonaparte se plaisait à répéter: «Je suis plus inquiet d'un rhume à Paris que d'une épidémie en province.»

Jamais ce mot n'a été autant d'actualité.

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