Le 25/06/2016
Christophe Servan
Ce scrutin était annoncé comme historique et il n’a pas failli.
L’importance de l’enjeu était évidente, mais après l’assassinat de Joanne Cox, les dés semblaient jetés en faveur du statu quo.
Pour les bookmakers de Londres et les instituts de sondage, cette tragédie avait mis fin au suspense créé après la publication, début juin, d’une poignée de sondages favorables au Brexit, à telle enseigne que quelques minutes avant l’annonce des premiers résultats partiels, les marchés financiers pariaient sur une défaite du OUI, et même Nigel Farage affichait publiquement une mine résignée.
Et puis l’impensable s’est produit : le peuple britannique a tranché en faveur de ce que l’establishment unanime dépeignait comme la voie vers l’apocalypse ; il a fait un bras d’honneur à l’Europe !
Les Britanniques n’ont pas seulement désavoué leur Premier ministre, ils ont désavoué aussi les Juncker, Hollande, Sarkozy, Merkel, Renzi, Schulz, Tusk et toute la bande de coquins qui gravitent autour d’eux.
Selon Christopher Hope, chef du bureau politique au quotidien The Daily Telegraph, il s’agit même de la plus importante révolte populaire depuis celle des paysans en 1381.
Il est vrai que le patronat, la classe politique, les principaux dignitaires de l’Église, les stars du sport, les banquiers, les célébrités du show-business avaient très largement appelé à voter en faveur du statu quo au sein de l’Europe.
Le peuple ne les a pas écoutés, c’est incontestablement une grande victoire pour la démocratie au sens premier du terme.
Pour beaucoup d’observateurs, l’arrogance des arguments employés par les adversaires du Brexit et les interventions intempestives de personnalités aussi décriées que Christine Lagarde ou Angela Merkel ont desservi David Cameron. C’est probable, mais il ne faut pas oublier que la victoire a été rendue possible parce que Nigel Farage, le leader de l’UKIP, a trouvé des alliés dans le camp du Parti conservateur, principalement Boris Johnson et Michael Gove, et auprès des électeurs travaillistes.
Cette configuration transversale a été la clef du scrutin.
Pour les patriotes français, c’est une leçon à méditer car, aujourd’hui encore, elle est inatteignable dans leur pays où l’europhobie, probablement majoritaire, est toujours cataloguée comme une posture d’extrême droite.
La France ne sera donc pas le prochain domino à tomber car jamais aucun gouvernement de gauche comme de droite ne prendra le risque de convoquer les Français par référendum sur cette question.
La Suède, le Danemark et, pourquoi pas, les Pays-Bas semblent de bien plus probables candidats que nous.
Les partisans de l’Europe vont certainement tenter de réagir pour bétonner leur forteresse.
Une initiative visant à renforcer le caractère définitif de l’Union européenne fait partie des possibilités.
Ce n’est pas forcément une mauvaise nouvelle car il est bon que les masques tombent avant l’échéance présidentielle de 2017.
Mais, à moyen terme, la capacité du Royaume-Uni à démontrer que son économie se porte mieux hors que dans l’Union Européenne est le vrai défi.
Si, dans un espace de cinq ans, l’économie britannique affranchie des contraintes de Bruxelles se détache nettement du reste de l’Europe – en termes d’emploi et de croissance -, alors le doute ne sera plus permis et l’Europe que nous connaissons disparaîtra.
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