6 juin 2023 Christian Navis pour ripostelaique
Un petit dessin vaut mieux que de longs discours. Il suffit de regarder la carte.
Le passage du Nord-Est est un atout maître dans le jeu de notre ami Poutine. Cette voie maritime est le plus court chemin de l’Asie à l’Europe et aux Amériques. Et 80 % du trajet se fait dans les eaux territoriales russes.
Cet itinéraire raccourcit les distances de 5 à 7000 km soit 30 à 35 % en moins, et autant d’économies en carburant. Il permet aussi de gagner 40 % de temps. Autant de salaires en moins. En évitant le racket de Panama où les Chicanos sont devenus trop gourmands depuis qu’ils ont récupéré la gestion du canal.
Pourquoi maintenant ?
Les Vikings connaissaient le Svalbard au Nord, et savaient remonter à l’Est le fleuve Iénisséi… À l’époque moderne, Nordenskjöld avait emprunté le passage du Nord-Est en 1878-1879, suivi en 1893 par Fritjof Nansen, puis Amundsen dans les années 1920. Mais pour les écolos, seul le prétendu réchauffement climatique permettrait ce périple.
En fait, si certains ports russes sont bloqués par les glaçons huit à neuf mois par an, d’autres comme celui de Mourmansk sont libres de glace toute l’année, en raison de la proximité d’une branche du Gulf Stream.
En 2011 le pétrolier Vladimir Tikhonov avait été le plus grand bateau à relier les océans Atlantique et Pacifique par le Nord. Vingt-six autres navires l’avaient suivi. Et depuis 2017, cette voie maritime est régulièrement empruntée par une dizaine de méthaniers brise-glaces.
La raison qui favorise ce trajet s’appelle progrès technologique. On sait faire des coques blindées en alliages légers, capables d’écarter les growlers ou de monter sur la banquise pour l’éclater, sans avaries. Et les moyens de positionnement par satellite permettent de suivre une route sûre, en contournant les icebergs et en évitant les hauts fonds.
En 2018, un cargo chinois équipé d’une coque renforcée a franchi le passage du Nord-est. Un porte-conteneurs danois l’a fait à son tour. Annonçant une nouvelle génération de navires qui peuvent naviguer en solo même lorsque les eaux sont gelées… Sans avoir besoin d’être précédés par un brise-glaces comme avant, ce qui coûtait trop cher.
Une configuration géopolitique favorable aux Russes
La région Arctique est liée naturellement aux pays qui la bordent, Canada, USA, Danemark, Islande, Norvège, et surtout Russie dont les 9 000 kilomètres de côtes de la Sibérie constituent un avantage naturel incomparable. La zone intéresse aussi les Chinois dont 90 % des marchandises sont transportées par voie maritime.
Pékin s’est engagé dans une coopération avec Moscou pour l’exploitation de la région Arctique dans le cadre de son projet dit «Nouvelle route de la soie», incluant le passage du Nord-Est.
Les USA hors-la-loi
Les accords de Montego Bay de 1982, actualisés en 2022, permettent à la Russie de faire payer un droit de péage ou d’accompagnement aux navires naviguant dans ses eaux territoriales, et d’en refuser l’accès aux indésirables. La géographie montre qu’il ne s’agit pas de détroits où la liberté est de mise.
En Outre, la Russie a le droit de se réserver l’exploitation des ressources géologiques et minières dans les 200 milles nautiques (370 kilomètres) de sa ZEE (zone économique exclusive) ou jusqu’au tracé médian avec d’autres pays lorsque la distance entre rivages est inférieure à 400 NM.
Problème : les USA ont refusé de signer les conventions de Montego Bay et Papy Gaga Robinette, dans un de ses emportements lyriques où il se fait pipi dessus, a fait savoir que ses navires « stars and stripes » passeraient en force s’il le faut… Les Russes les attendent de pied ferme.
« L’ennemi ne passera pas ! »
Dans un décor d’un blanc immaculé, les Russes ont très largement renforcé leurs forces armées dans la région. La base du « Trèfle Arctique » en est le dernier maillon ultra moderne. Dans une région stratégique riche en hydrocarbures, et amenée à jouer un rôle croissant dans le commerce maritime mondial, Moscou déploie des systèmes de défense anti-aérienne performants, les S-400.
Au Conseil de l’Arctique dont la Russie a pris la présidence tournante en 2021, cédant sa place à la Norvège cette année, l’armée russe a offert une porte ouverte exceptionnelle aux médias occidentaux. Montrer leur force pour ne pas être obligés de s’en servir ?
À 600 kilomètres du pôle Nord, les soldats russes se sont installés sur l’île Kotelny pour y rester et entendent le faire savoir. Sur un territoire d’environ 15 hectares, ils ont construit un complexe renforcé capable de fonctionner en autarcie pendant an et demi.
La base « Trèfle » est équipée d’une centrale électrique, d’une clinique, d’une salle de sport, d’un cinéma, d’un sauna, d’une station d’épuration et d’une église. Tout est relié par des tunnels chauffés pour que les militaires et les techniciens n’aient pas à sortir dans le froid polaire, sauf cas de force majeure.
Balayée par les vents violents et soumise à des températures inférieures à -40°C, la base comprend aussi un aérodrome couvert et protégé, d’où ont décollé deux chasseurs MIG-31, partis survoler le Pôle Nord avant de revenir sur l’archipel.
« Nous pouvons comparer ce complexe à une immense station spatiale, la seule différence étant qu’il ne se trouve pas en orbite mais dans le désert arctique », se félicite le général Igor Tchourkine, un des commandants de la flotte du Nord.
Le train de l’OTAN pourrait dérailler à la guerre du Nord
Les officiers russes ont amélioré et testé un système de défense côtière Bastion-P, d’une portée de 360 kilomètres, lequel a montré sa fiabilité dans les conditions météorologiques extrêmes de l’Arctique. Pouvant voler au ras du sol ou de l’eau, en vélocité supersonique, ces missiles à l’origine anti-navires peuvent être armés en conventionnel ou en nucléaire tactique, et sont extrêmement difficiles à intercepter.
Pour les Russes, mieux vaut rester sur le qui-vive et parés à répondre à toute éventualité, car dans cette région convoitée, les contentieux n’ont cessé de se renforcer ces dernières années. Les USA comme l’OTAN multipliant les manœuvres d’intimidation tandis que Moscou affichait sa détermination de ne rien lâcher.
« Les forces armées américaines et celles de l’Otan ont pris l’habitude de conduire des manœuvres agressives dans l’Arctique. Souvent à la limite de l’incident de frontière. On avait pas vu ça depuis la fin de la guerre froide », souligne Alexandre Moisseïev, l’autre commandant de la flotte du Nord.
S’exprimant depuis un croiseur nucléaire, il dénonce les actions provocatrices de Washington dans la région, ses vols de bombardiers stratégiques aux limites des territoires russes, et les incursions de ses sous-marins nucléaires dans les eaux russes en mer de Barents depuis la Norvège.
L’Ukraine n’était qu’un hors-d’œuvre, pour les stratèges de l’OTAN, le plat de consistance sera le Grand Nord.
Le chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, a rappelé que l’Arctique était pour Moscou une zone d’influence historique, non-contestée jusqu’à présent, et a dénoncé l’offensive occidentale dans la région.
Le 25 avril, Vladimir Kulishov, directeur adjoint du FSB, service fédéral de sécurité russe, et Yu Zhong, patron des garde-côtes chinois, ont signé à Mourmansk, un accord pour veiller conjointement au respect du droit maritime. Conformément aux protocoles de Montego Bay.
Le choix de Mourmansk proche de la Finlande, nouveau membre de l’Otan, est un avertissement adressé à l’Alliance Atlantique. Et pour que ce soit bien clair, Moscou a entrepris de construire des avant-postes militaires, des ports en eau profonde et des aérodromes tous temps dans cette zone.
Le message envoyé par les Russes et les Chinois à l’Alliance Atlantique, et plus précisément à ses membres dont les côtes bordent l’Océan Arctique, est clair : défier la Russie dans cette zone, ou entraver la course des navires chinois, équivaudrait à une déclaration de guerre.
Des équipements étudiés pour le climat polaire
Le ministère russe de la Défense a doté ses commandos d’équipements adaptés aux conditions météo extrêmes. Les soldats et les officiers portent des sous-vêtements et uniformes spéciaux conçus pour l’Arctique. Leur tenue les protège de l’exposition prolongée au froid, aux vents violents, à la pluie, à la neige collante et aux chutes dans l’eau glacée. Elle permet le port d’un gilet pare-balles et n’entrave pas l’utilisation des armes de contact.
Les sacs à dos des soldats du Nord contiennent un lot d’alimentation riche en calories avec des suppléments vitaminiques et glucidiques. Plus quelques exhausteurs de vigilance top secret. Pour réchauffer leur nourriture par –50°C, ils disposent de cuisines de campagne « matriochka », avec trois cuves de cuisson emboîtées les unes dans les autres comme des poupées russes.
La couleur du camouflage diffère de celle de l’uniforme de combat traditionnel. Pour les tenues arctiques, on a choisi un motif pixelisé composé de points gris, verts et noirs, pour imiter la mousse polaire et les lichens. Grâce à ce mimétisme, le soldat n’est pas visible parmi les rochers et se fond au milieu d’une banquise enneigée.
Outre la traditionnelle chapka « à la soviétique », les combattants disposent d’un casque-masque spécial façon Dark Vador qui comporte des éléments d’échange de chaleur dans sa conception. Ce masque recouvre l’ensemble du visage ne laissant qu’une fente pour les yeux. Il permet au soldat de respirer librement sans craindre de se geler les poumons.
Les Russes n’ont pas seulement progressé dans le domaine des missiles hypersoniques et des bombes thermobariques. Ils ont aussi grandement amélioré le confort, la mobilité et la résistance de leurs fantassins.
Christian Navis
https://climatorealist.blogspot.com/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.