Il y a longtemps que les analystes politiques surveillent de près Xavier Bertrand, président de la région des Hauts-de-France et désormais candidat déclaré à la prochaine élection présidentielle.
D’origine modeste, il cède d’abord aux sirènes parisiennes, lorsque ministre du Travail sous le mandat sarkozyste. Monté à la capitale, il en adopte le phrasé de ses élites, entre technocratie et beaux quartiers.
Il est sûrement à mettre à son crédit d’avoir compris que cela ne parlait que de loin à la majorité du peuple. D’où son repli provincial en ce conseil régional où il parvient à battre Marine Le Pen en 2015 grâce au retrait de la liste socialiste, sans négliger sa faculté nouvelle à s’exprimer en un français compréhensible du commun.
Depuis, il inquiète les dirigeants du Rassemblement national. Déjà parce que Xavier Bertrand est le seul dont la tête puisse émerger. Rival incontournable, donc. Ensuite parce qu’il prépare cette élection depuis des années – il a quitté les LR en 2017 – et qu’il est le seul, à droite, auquel les sondages prédisent un résultat n’ayant rien d’anecdotique : entre 11 et 16 % dès le premier tour. Il serait même le mieux placé pour battre Marine Le Pen au second, avec 57 %, alors qu’Emmanuel Macron ne totaliserait que 53 %.
D’où le long entretien accordé au Point, ce jeudi 25 mars, lequel montre aussi les limites du personnage, la persistance de son double langage et la nature de ses véritables obsessions : « Moi, j’ai appelé à voter contre Marine Le Pen au second tour de l’élection présidentielle. J’ai assumé et j’assumerai toujours mon combat contre le Front national. […] Mon devoir est de battre Marine Le Pen. » Ou de l’art de se surpasser dans le registre du « en même temps ».
Car « en même temps », celui qui proclame être « un gaulliste social, d’une droite sociale et populaire », affirme aussi que « la réponse est dans les territoires ». Étrange contorsion que celle-là, l’amenant à se revendiquer à la fois du centralisme gaullo-colbertiste et d’une décentralisation ayant été le combat historique des antigaullistes de tous poils. Pareillement, il n’est pas incongru d’ajouter que pour un prétendant à la magistrature suprême, l’éradication d’un mouvement politique rival, fût-il celui de Marine Le Pen, ne constitue pas exactement un but en soi, surtout quand on revendique sa proximité avec les gilets jaunes, dont une certaine partie soutient le Rassemblement national.
Toujours « en même temps », Xavier Bertrand se veut garant de l’ordre, ordre évidemment « républicain » pour celui qui a si longtemps usé ses fonds de pantalons au Grand Orient de France ; les catholiques de conviction apprécieront. Et d’assurer, au passage, un service strictement minimum quant à l’immigration : « Nous devons reprendre le contrôle. […] Je mettrai en place une politique de quotas pour l’immigration en fonction des besoins de notre économie. »
C’est bien la peine de jouer aux enracinés du terroir pour ne voir dans l’immigration qu’un simple variant économique, passant ainsi en frais généraux ce que cette immigration nous « coûte » – pour reprendre le verbiage des experts-comptables – en matière de patrimoine civilisationnel. Le comble étant, pour cet humaniste autoproclamé, que ces hommes et femmes venus du lointain ne vaudraient que par ce qu’ils seraient susceptibles de rapporter à la sacro-sainte économie.
Il est à craindre que Xavier Bertrand ait encore quelques progrès à faire pour devenir un populiste plausible et un patriote digne d’estime. Pour autant, l’expérience sarkozyste a démontré que nombre de Français préféraient la copie à l’original. D’où l’inquiétude, conjointe et légitime, des états-majors du RN et de LREM…
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