Macron a beau faire son coq dans la cour européenne, il n’impressionne guère ses homologues.
Ainsi, Angela Merkel n’a pas encore pris la peine de réagir à son appel aux citoyens d’Europe.
Mais la nouvelle patronne de la CDU, Annegret Kramp-Karrenbauer, sa probable dauphine, a publié dans la presse allemande son propre programme.
AKK, comme on la surnomme, n’est pas femme à se laisser marcher sur les pieds.
Elle a intitulé son projet « Bien faire l’Europe », ce qui en dit long sur ce qu’elle pense de la profession de foi macronienne.
Pour notre Président, qui se rêve en leader de l’Europe, ce n’est pas gagné !
AKK sait être diplomate, sans rien céder sur ses propres exigences.
Si elle estime, comme Macron, qu’il y a « urgence à agir », si elle prône une Europe « plus forte », dans un monde qu’elle estime miné par les replis protectionnistes et nationalistes, elle souligne que « nous devons nous appuyer de manière conséquente sur un système de subsidiarité et de responsabilités propres ».
Autrement dit, on ne peut ôter aux États le droit de décider en fonction de leurs intérêts.
Elle voudrait reconquérir une partie de l’électorat conservateur, tenté par l’extrême droite, qu’elle ne s’y prendrait pas autrement.
Elle partage les idées de notre Président sur la politique migratoire, la nécessité de mieux protéger les frontières et de tendre vers une application commune du droit d’asile.
Quand on sait que la générosité d’Angela Merkel sur l’accueil des migrants s’expliquait surtout par le déficit démographique de l’Allemagne, on comprend que les dirigeants allemands et français soient en accord sur ce point : l’absence de politique familiale du gouvernement mettra prochainement la France dans une situation comparable.
Elle partage aussi les idées du chef de l’État sur le besoin de mieux protéger les frontières.
Manière de reconnaître que, jusqu’à présent, ce n’était pas le cas.
Mais il faut bien rassurer les citoyens qui s’inquiètent des conséquences d’une immigration débridée et éviter de donner du grain à moudre aux « populistes » qui prospèrent.
Seuls les naïfs pourront croire que les pays européens arriveront à mettre en œuvre, malgré leurs promesses, ce qu’ils n’ont jamais réalisé depuis des années.
Mais AKK rejette pratiquement tout le reste : « Le centralisme européen, l’étatisme européen, la mutualisation des dettes, l’européanisation des systèmes sociaux et du salaire minimum seraient la mauvaise voie. »
Elle réclame pour l’Europe un « siège permanent commun » au Conseil de sécurité de l’ONU, alors que la France accepte de se concerter avec l’Allemagne, mais souhaite, pour le moment, garder son siège.
Elle voudrait, également, en finir avec « l’anachronisme »» du siège strasbourgeois du Parlement européen et regrouper toutes les activités à Bruxelles.
Bref, elle entend confirmer que l’Allemagne existe et n’a pas l’intention de se plier aux volontés de notre jeune coq.
Emmanuel Macron, en publiant sa tribune dans vingt-huit pays européens, ne pouvait ignorer qu’il se heurterait aux réticences, voire à l’opposition d’autres États, notamment l’Allemagne.
À moins que son ambition démesurée et son narcissisme ne l’aient ébloui.
Il veut faire croire, à la veille de la campagne européenne, qu’il n’y a le choix qu’entre sa conception ou le chaos.
Il aimerait bien être l’acteur principal de la « renaissance européenne », sous la devise passe-partout de la « liberté », de la « protection » et du « progrès ».
Mais les autres pays de l’Union européenne sont loin de reconnaître sa suprématie et les Français, à part une minorité d’inconditionnels, ne sont pas près de le suivre.
Le cocorico que Macron entonne fièrement risque fort de n’être qu’un piteux chant du cygne.
Philippe Kerlouan
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