C’est à un exercice technocratique d’analyse bien rodé et fort civil que s’est livré Christophe Castaner devant la représentation parlementaire, en ce début de semaine.
Dans son propos introductif, le ministre, comme il se doit, n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé aux forces de l’ordre, tout en faisant appel à la conscience civique des « gilets jaunes raisonnables » afin que ceux-ci ne manifestent pas le 8 décembre prochain.
Mais dès ses premiers mots, c’est la naïveté évidente avec laquelle la manifestation du 1er décembre avait été envisagée qui ne peut que surprendre.
Reposant sur la bonne volonté affichée, mais non vérifiée, de quelques centaines de manifestants, le ministre avait décidé d’ouvrir les Champs-Élysées à une manifestation qui s’annonçait déjà comme ne ressemblant à aucune autre.
Dès le départ, le dispositif de sécurité s’aventurait donc en territoire inconnu, faisant fi des grands principes qui régissent la conduite des opérations de maintien de l’ordre.
Cependant, c’est en particulier lors des questions-réponses que Castaner, mis en difficulté à plusieurs reprises, a montré et démontré que l’improvisation, plus que la stratégie, avait été à l’ordre du jour lors des derniers week-ends de violence qui se sont emparés de la capitale.
Et il est devenu évident, à mesure que le ministre de l’Intérieur égrainait ses explications, que ce sont, en réalité, les unités engagées sur le terrain qui ont colmaté, comme elles le pouvaient, les brèches d’un dispositif sécuritaire gravement défaillant.
À travers les réponses données aux questions posées, notamment par les sénateurs Bonhomme et Benassa, il devient ainsi évident qu’aucune des deux manifestations organisées par les gilets jaunes, les 24 novembre et 1er décembre derniers, n’a été appréciée à sa juste mesure par le ministère de l’Intérieur et la préfecture de police.
Si « l’originalité » d’un tel mouvement de foule peut expliquer la difficulté qu’il y a eu à organiser les services d’ordre mis en place en ces circonstances, en aucun cas elle ne peut justifier que les forces de l’ordre aient pu être surprises par le déferlement de violence qui a été observé.
En effet, la présence de groupes autonomes et ultra-violents est une constante depuis plusieurs années.
Les dernières manifestations organisées par différentes centrales syndicales ont même démontré qu’une concertation préalable des organisateurs et des responsables policiers en amont des manifestations ne garantissait en rien une manifestation pacifique.
Par ailleurs, il y fort à parier que les services de renseignement avaient fait remonter les informations nécessaires, notamment celles relatives à de graves débordements qui étaient largement prévisibles.
Sur le prochain rassemblement parisien des gilets jaunes, prévu pour samedi prochain, une des déclarations de Castaner ne peut, toutefois, que laisser pantois.
Il a, en effet, déclaré, lors de son audition devant les sénateurs : « À l’heure qu’il est, rien ne me fait penser qu’il y a un risque majeur. »
Que faut-il donc à notre ministre de l’Intérieur, après les graves désordres qui ont semé le chaos dans notre pays au cours de ces dernières semaines, et provoqué morts, blessés et des dégâts d’une ampleur inconnue jusque-là, pour qu’il prenne la mesure de ce qui se joue, désormais, à chaque manifestation des gilets jaunes.
Le terme « insurrection », évoqué par les force de l’ordre sur le terrain, et repris par tous les médias, ne lui suffit-il pas pour qu’il réalise que notre pays est en face d’un mouvement populaire gravissime et inédit.
Ainsi, ce n’est pas tant la réaction en complet décalage avec la réalité d’un ministre visiblement dépassé qui doit inquiéter mais, bien plus, son incapacité, à l’épreuve des faits, à anticiper l’avenir.
Olivier Damien
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