Qui ? Pourquoi ? Comment ? Trois petites questions qui doivent tourner en boucle dans les têtes surchauffées des responsables du Renseignement, à Washington, après la découverte, révélée jeudi dernier par le New York Times, d’une fuite massive de documents américains ultra-secrets sur les réseaux sociaux détaillant, non seulement la situation sur le terrain en Ukraine, mais contenant également des informations hautement confidentielles sur d’autres pays comme Israël, l’Iran, la Chine ou la Corée du Sud.
L’administration Biden a tenté d’obtenir la suppression des partages de documents mis en ligne, mais sans succès. « Ouais, on peut totalement effacer des trucs d’Internet. Ça marche parfaitement et ça n’attire pas l’attention du tout sur ce que vous essayez de cacher », a raillé Elon Musk, le fantasque patron de Twitter.
Bien que certains documents semblent avoir été volontairement modifiés (notamment pour ce qui concerne la question très sensible des estimations américaines du nombre de soldats ukrainiens et russes tués au combat), les experts interrogés par le New York Times les considéraient comme probablement authentiques et susceptibles de fournir à la Russie des informations précieuses. « Les responsables américains sont alarmés par la révélation d'informations secrètes et le Federal Bureau of Investigation s'efforce de déterminer la source de la fuite », indiquait le journal, dimanche.
Une analyse confirmée par le Washington Post, qui a pu consulter une cinquantaine de pages de ces documents, vendredi, qui semblent provenir de plusieurs agences : NSA, CIA, service de renseignement du Pentagone mais aussi du NRO (National Reconnaissance Office), une des agences les plus secrètes en charge des satellites espions.
Signe de l’importance de la fuite, certains documents paraissent avoir été préparés au cours de l’hiver pour le chef d’état-major de l’armée américaine, le général Milley, et des hauts gradés afin de leur donner une évaluation détaillée du champ de bataille ukrainien.
Informations sur la guerre en Ukraine
Si les documents ne donnent pas d’information directe sur la contre-offensive ukrainienne, ils contiennent une multitude de données permettant d’évaluer les capacités de combat actuelles de l’Ukraine, avec notamment des détails sur les unités qui seront prochainement impliquées, leurs effectifs, leur équipement et leur niveau de formation.
On découvre, ainsi, que sur douze brigades en cours de constitution, six seraient prêtes d'ici le 31 mars et les autres d'ici le 30 avril. D’autres données concernent des tableaux de livraison d’armes ou encore le taux de consommation de munitions par les HIMARS.
L’une des informations les plus importantes concerne l’état du système de défense aérienne ukrainien qui pourrait prochainement s’effondrer. Une situation alarmiste qui contredit la propagande officielle déployée par Kiev et ses soutiens occidentaux. D’après les documents, dont les photos ont été publiées ce dimanche par le New York Times, le système de défense ukrainien pourrait être « complètement épuisé » d’ici le 23 mai prochain et son stock de missiles début mai. Les documents datés du 23 février dernier sont étiquetés « Secret/NoForn », ce qui signifie que leur contenu ne doit pas être partagé avec des pays étrangers.
Il apparaît également que le problème n’est pas seulement quantitatif. Les informations classifiées révèlent que les systèmes envoyés par les Occidentaux sont parfois inadaptés pour faire face aux volumes de salves et aux armes russes. Un des graphiques montre ainsi que les systèmes de défense antiaérienne NASAM fournis par les Américains devraient être hors service mi-avril.
Jusqu’à présent, les dispositifs antiaériens ukrainiens ont permis de tenir à distance l’aviation russe. Une situation qui pourrait changer prochainement et dont les conséquences seraient potentiellement catastrophiques pour Kiev si le ciel de l’Ukraine se dégageait soudainement. D’après le New York Times, un des documents révèle que le Pentagone estime à 485 le nombre d'avions de combat russes actuellement déployés sur le théâtre de guerre, contre 85 avions côté ukrainien.
Concernant la bataille de Bakhmut, un des documents fait état d’une situation désastreuse, avec des forces ukrainiennes qui, au 25 février, « étaient presque encerclées de manière opérationnelle par les forces russes ». Les documents révélés par le New York Times font apparaître qu’il a été nécessaire de déployer des unités d’élites de l’armée ukrainienne pour repousser les troupes russes qui menaçaient de s’emparer de la dernière route d’approvisionnement. Autant de forces qui pourraient faire défaut pour la contre-offensive.
Informations sur l’espionnage américain
Il ressort des documents que les services d’espionnage américains sont parvenus à pénétrer l’armée russe, ses services de renseignement et son commandement en profondeur avec la capacité d’avertir l’Ukraine à l’avance des attaques ou des frappes prévues.
Cependant, comme les fuites le révèlent, les États-Unis ne se contentent pas d’espionner leurs adversaires. Les écoutes clandestines concernent également les principaux dirigeants militaires et politiques ukrainiens, mais aussi des pays alliés comme la Corée du Sud ou Israël. Le fait de rendre publiques de telles informations ne peut que compliquer les relations de Washington avec ses partenaires.
Si, pour le moment, on ignore qui est l’auteur de cette opération, sachant que du côté de Kiev et de Moscou, on crie à la manipulation et à la tentative d’intoxication, on ne peut que constater son effet déstabilisateur sur l’administration américaine, mais aussi le timing qui correspond au moment où la contre-offensive ukrainienne de printemps est annoncée.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.