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jeudi 27 avril 2023

Avilissement : et maintenant ils vont nous resservir le Code noir !





 
 26 Avril 2023
 
Publié par  Antonin Campana

Comme chaque année à l’approche du 10 mai, ceux qui entendent avilir les autochtones européens vont user et abuser de la mémoire de l’esclavage.
 
 Médias, intellectuels et politiciens vont y aller de leur couplet culpabilisant. 
 
A l’école, comme chaque année, l’enseignement du mépris envers nous-mêmes atteindra des sommets. Comment peut-on ne pas être plein de compassion pour les jeunes élèves « Blancs », osons le mot puisque c’est de cela qu’il s’agit exactement, qui le 10 mai, dans toutes les écoles de France, vont devoir « porter sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits » de l’esclavage ?

Comme on le sait, la loi Taubira, sur la traite négrière transatlantique, institue en effet le 10 mai comme "journée nationale des mémoires » de l’esclavage. Cette loi a été écrite, selon son initiatrice, de telle manière que les « jeunes Arabes (…) ne portent pas sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits des Arabes », c’est-à-dire, en creux, afin que le poids de l’esclavage repose uniquement sur le dos des « jeunes Blancs ». L’aveu est d’autant plus intéressant qu’il oublie sournoisement les « jeunes Noirs », ce qui nous ferait presque oublier que les esclavagistes noirs ont commis au moins autant de « méfaits » que les esclavagistes arabes ou européens.

Enfin bref, le devoir mémoriel discriminant est inscrit dans les programmes scolaires et nul doute que les petits écoliers blancs vont devoir endosser le costume du bourreau pendant que tous les autres vont se parer dans celui de la victime. C’est ainsi qu’on apprend la honte de soi, qui précède de peu la haine de soi.

Le Code noir (que la plupart les enseignants n’a jamais lu, bien qu’il ne fasse que quelques pages), sera, comme chaque année, la pierre angulaire de la démonstration de la culpabilité blanche (l’intégralité du texte ici).

Pourtant, cet édit du roi Louis XIV (1685) représente un progrès humain considérable. Par certains aspects, il annonce déjà l’abolition de l’esclavage.

Certes, l’esclave reste une marchandise, mais le Code noir considère dès les premières lignes (art. II) que cette marchandise particulière doit être « instruite et baptisée ». L’esclave est donc affirmé comme un être humain à part entière et non seulement comme un objet : il est doté d’une âme et, par conséquent, il doit être sauvé !

Pour la première fois, l’esclave possède aussi des droits : droit de ne pas travailler le dimanche et les jours de fête (art. VI) ;
droit de ne pas être marié contre son gré (art. XI) ;
droit de se marier avec des personnes libres (art.XIII) ;
droit à une nourriture décente (art XXII) ;
droit à un habillement décent (art. XXV) ;
droit des esclaves de se plaindre auprès du Procureur s’ils sont mal nourris, vêtus ou entretenus (art. XXVI) ;
droit de ne pas subir des « crieries » ou des traitements barbares et inhumains (art. XXVI) ;
droit d’être nourris et entretenus en cas de maladie curable, de maladie incurable, d’infirmité et durant la vieillesse (Art. XXVII) ;
droit à la vie : les maîtres ayant tué un esclave seront poursuivis criminellement (art. XLIII) ;
droit de ne pas être séparé de sa propre famille (art. XLVII) ;
droit d’être affranchi (art. LV),
et même capacité à être désigné comme légataire universel d’un maître (ce qui vaut affranchissement) (art. LVI)

Que les belles âmes nous citent un texte de loi arabe ou africain donnant à l’esclave des droits équivalents. En terre d’islam, les femmes esclaves sont interdites de mariage, peuvent être violées par leur maître et se voient confisquer leurs enfants en cas de grossesse (le Code noir oblige le maître à épouser la femme esclave avec qui il est en « concubinage », dès lors que celle-ci lui donne un enfant. La femme et l’enfant sont alors des personnes libres. Si le maître est déjà marié, il devra payer une forte amende et sera privé de l’esclave et de l’enfant). Lors des razzias arabo-musulmanes en Afrique noire, les femmes constituent le gros des « prises » (60%) puis viennent les jeunes garçons qui sont systématiquement émasculés pour servir dans les harems. Les hommes, quant à eux, sont décapités. Charles Gordon, gouverneur de Khartoum, estime que seul un garçonnet sur 200 survit à la castration (Bernard Lugan, God Bless Africa, Carnot 2003). L’explorateur Richard Francis Burton raconte en 1862 (soit plus de deux siècles après le Code noir) une scène des plus affligeantes de la traite arabo-musulmane (cité par B. Lugan op.cit.) :

« Notre chef de caravane reste en arrière, parce qu’une jeune fille, l’un de ses derniers achats, ne peut continuer la route en raison d’une plaie à la jambe. Voyant que le mal est sans remède, il coupe la tête à la pauvre enfant ».

Le Code noir aurait fait poursuivre « criminellement » un tel maître et l’aurait fait châtier (art. XLIII) !

Alors certes, le Code noir prévoit aussi que l’esclave puisse être puni. Les châtiments sont sévères : fouet et marquage au fer rouge (en cas de vol) ; mutilations (en cas de fuite) ; peine de mort (en cas d’agression avec effusion de sang)… Mais ce type de peines n’est alors pas différent de ce qui se pratique en métropole à l’égard de personnes pourtant libres : pilori avec carcan, fouet public, mutilations diverses (amputation d’oreilles, de poing ou de pied), exécutions capitales…

En métropole, un domestique ou une servante qui vole son maître peut alors être puni de mort et pendu. En février 1767, Marie Montet « une jeune fille très jolie » de 17 ou 18 ans a ainsi été pendue pour avoir volé « quelque chose de très peu de conséquence » chez ses maîtres. Même traitement pour Marie Elisabeth Gemmery pour avoir volé une nappe et une serviette (François Serpillon, Code Criminel –Commentaire sur l’Ordonnance de 1670).

Insulter ses maîtres vous expose aussi à de lourdes conséquences. Un Pierre Pixel, par sentence du Châtelet en date du 07 août 1751, a ainsi été condamné au carcan avec un écriteau « laquais insolent envers son maître » et au bannissement (le carcan est un dispositif avec un trou pour la tête et les mains. Il est généralement fixé au pilori dressé sur la place publique). Pierre Cressel, valet de chambre, convaincu de paroles injurieuses envers sa maîtresse, subit la même peine, à laquelle on ajoute le fer rouge !

En dehors du vol domestique (chez un maître), punissable de mort, un vol « simple » vous expose a minima au fouet et au marquage au fer rouge de la lettre V… si c’est le premier vol. Une récidive vous envoie en effet aux galères, parfois à perpétuité, avec les trois lettres G.A.L. marquées au fer rouge (Serpillon).

Une tentative d’assassinat vous expose à mourir sur la roue en d’atroces souffrances. Un Jacques Tachet, convaincu d’avoir voulu assassiner un particulier, est condamné par arrêt du 18 juillet 1764 à avoir les bras, les jambes, les cuisses et les reins rompus vifs en place de Grève et à demeurer sur l’échafaud jusqu’à ce qu’il décède (Serpillon). Une ordonnance royale de 1779 interdit d’ailleurs aux domestiques, valets, laquais… de porter épée, couteaux, cannes, bâtons, baguette (une disposition que l’on retrouve dans le Code noir à l’égard des esclaves) sous peine d’être emprisonnés sur le champ et « puni corporellement ».

On le voit, l’époque ne pèche pas par excès de sensibilité !

J’ai pu le vérifier personnellement autrefois, lorsque je fréquentais les archives de la Cour d’Assise de Vesoul. Voici deux des exemples que j’avais alors noté (ils sont postérieurs au Code noir, et illustrent bien le temps long des mentalités) :

Pour avoir volé un sac de sel, une femme du nom d’Elisabeth Olivier, simple journalière, est condamnée en mai 1815 à 10 ans de réclusion et au carcan.

Le 20 septembre 1813, pour avoir volé une paire de draps et deux jupons, Jacques Thierry est condamné à 20 ans de travaux forcés, au carcan et à la « flétrissure », c’est-à-dire au marquage au fer rouge !

Certes, l’esclave est atteint dans sa dignité d’être humain. Mais l’existence d’un domestique en France (sans parler d’un soldat ou d’un marin) est à peine plus enviable. Bien sûr, en théorie, l’esclavage est une condition, alors que la domesticité est une profession. Mais en 1685, et pendant longtemps encore, les différences entre l’esclavage et la domesticité ne jouent pas toutes en faveur de la domesticité. Rappelons qu’une ordonnance de Charles IX du 07 février 1567, renouvelée par Henri III en 1577, défend au domestique engagé à temps de quitter le service de ses maîtres sans leur consentement. Alors que le Code noir oblige le maître à entretenir son esclave en cas de maladie, d’infirmité ou lorsqu’arrive la vieillesse, aucun règlement en métropole n’oblige le maître à conserver un domestique malade, invalide ou trop âgé. Ainsi, quand le maître ne fait pas « acte d’humanité » (sic), le domestique en question se retrouve à la rue ou à l’hospice, et la servante vient grossir les rangs de la prostitution. Il faudra attendre 1928 pour que la loi se soucie du risque maladie et de la vieillesse, entre autres des gens de maison. Auparavant, la règle et la jurisprudence autorisent le renvoi sans indemnités d’un serviteur malade ou inapte (Alphonse Largeaud, Juge de Paix, Code-Manuel des maîtres et domestiques, 1910).

Répétons-le : l’esclavage est une ignominie. Mais ne commettons pas le péché d’anachronisme, ne projetons pas au XVIIe siècle les idées qui appartiennent à notre temps. En 1685 toutes les sociétés humaines, y compris africaines, pratiquaient l’esclavage et aucune ne se souciait de la condition de l’esclave. L’esclavage était quelque chose de normal et de naturel. De ce point de vue, le Code noir représente un indéniable progrès. Pour la première fois l’esclave a des droits qu’il peut faire valoir en justice. Pour la première fois le maître a des obligations qui peuvent le faire condamner. Une telle chose est littéralement impensable dans les sociétés africaines ou arabo-musulmanes, où l’on chercherait en vain un texte de droit aussi avant-gardiste que le Code noir. Au contraire, rappelons que la dernière caravane d’esclaves traverse le Sahara en 1929 (traite arabo-musulmane), que le dernier marché aux esclaves est fermé au Maroc en 1920 et que l’esclavage est toujours pratiqué aujourd’hui en Afrique noire selon l’ONG Walk Free ( Mauritanie, Bénin, Côte d’Ivoire, Gambie…), ainsi qu’en Haïti.

Par sa tentative de tempérer humainement un phénomène inhumain, le Code noir infléchit une institution aussi vieille que l’homme et oriente les consciences en faveur de l’abolition de 1794, puis de 1848. Dès lors qu’il est admis que les esclaves ont des droits, il est naturel qu’on leur accorde tous les droits.

Les « jeunes Blancs » qui seront stigmatisés le 10 mai sont donc les descendants de ceux qui ont délivré l’humanité du fléau de l’esclavage. Ils ont moins que les autres à « porter sur leur dos tout le poids de l’héritage des méfaits » de cette institution. Leur avilissement par le discours officiel est une manière de les asservir psychologiquement.

N’en doutons-pas, il s'agit d'une nouvelle forme d’esclavage : l’esclavage par la honte de soi.

A quand un Victor Schœlcher pour nous en délivrer ?

Antonin Campana 



Manifestation du mouvement anti-esclavagiste mauritanien (IRA) lors de la visite d'Emmanuel Macron en Mauritanie en juillet 2018

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