En fermant, ce samedi 15 avril 2023, ses trois dernières centrales, l’Allemagne a définitivement tourné la page de l’électricité nucléaire qui, en 2001, représentait un tiers de sa génération électrique.
Historique, ce tournant est surtout symbolique quant à la stratégie énergétique européenne.
En refusant la génération électrique la plus sûre et la moins carbonée, l’Allemagne et son Energiewende emmènent un peu plus l’Europe vers un suicide énergétique annoncé. Un suicide méthodiquement organisé depuis un quart de siècle par une écologie politique diabolique.
Bien que nains politiques sur le plan électoral, l’écologie politique a eu, au cours des deux dernières décennies, une influence titanesque sur les politiques énergétiques des pays européens. Appelés comme appoint parlementaire dans de nombreuses coalitions gouvernementales de gauche comme de droite, ils ont très chèrement négocié leur participation en faisant notamment de l’émergence des renouvelables et de la réduction du nucléaire une condition obligée à leur participation.
En Belgique, la « coalition arc-en-ciel » rassemblant libéraux, socialistes et écologistes adopta en 2002 une loi interdisant la construction de nouveaux réacteurs nucléaires et limita à un maximum de 40 ans la durée de vie des sept réacteurs du plat pays. Bien que les échéances aient été revues à plusieurs reprises, le premier réacteur Doel 3 a été définitivement fermé le 1er octobre 2022. Les autres suivront et le plat pays n’aura d’autre choix que de remplacer sa puissance électronucléaire par du gaz.
En Allemagne, c'est la « Loi atomique » promulguée en 2002 par la coalition des sociaux-démocrates et des Verts dirigée par Gerhard Schröder qui a sonné le glas du nucléaire allemand en fixant à 32 ans la durée de fonctionnement et en interdisant, comme en Belgique, toute nouvelle construction. Jusqu’en 2011, les échéances n’étaient toutefois pas clairement définies. Mais en 2011, par suite de l’accident de Fukushima, le gouvernement d’Angela Merkel en programma la sortie totale pour 2022.
S’il n’y a jamais eu, en France comme en Belgique ou en Allemagne, de réelle volonté politique de sortir du nucléaire, la filière a fortement souffert d’attaques incessantes portées par la gauche en général, les Verts en particulier, depuis la fin du siècle dernier. Elle se concrétisa notamment, en 2001, quand les Verts, représentés à l’époque par Dominique Voynet au sein du gouvernement « gauche plurielle » de Lionel Jospin, auront la peau de Superphénix. Quinze ans plus tard, l’accord électoral entre François Hollande et les Verts scellera la mort de Fessenheim et du projet ASTRID.
L’antinucléarisme des Verts remonte au début des Trente Glorieuses. Avant de s’intéresser à Dame Nature, les écologistes ont d’abord été pacifistes. S’opposant frontalement à la prolifération des armes nucléaires et à la guerre du Vietnam, l’écologie politique n’a jamais fait la différence entre nucléaire civil et nucléaire militaire : pour un écologiste, un réacteur nucléaire porte en lui l’odeur d’Hiroshima et de Nagasaki ! Selon l’ancien ministre de l’Environnement Brice Lalonde : « Au sein du mouvement écologiste [accepter le nucléaire] c’est une peu comme demander à un chrétien de renoncer à la Bible. »
Si EELV utilise aujourd’hui de façon tactique des arguments sécuritaires (risque nucléaire, traitement des déchets) ou économiques (coût des EPR et du grand carénage), leur antinucléarisme repose toujours sur un « chromosome » pacifiste. Comme le confirmait Yannick Jadot dans son discours fondateur de Lyon du 29 janvier 2021, l’opposition des Verts au nucléaire « n’est ni technique ni climatique, elle est politique en plus d’être morale ». Un discours similaire émerge de l’écologiste belge Georges Gilkinet signant en 2022, dans le journal La Meuse, un article intitulé « Le nucléaire peut être utilisé comme une arme, pas le vent et le soleil » ou du ministre de l’Énergie belge, lécolo Tinne Van Der Straeten, déclarant que « fermer la filière nucléaire belge, c’est aussi mettre fin aux armes nucléaires ».
Le lobby antinucléaire reste aujourd’hui extrêmement puissant, au niveau des institutions européennes, avec plusieurs pays comme l’Allemagne, l’Autriche ou encore le Luxembourg qui, pour des raisons purement idéologiques, sont farouchement opposés à l’atome. Nous en prenons pour preuve le combat de chiffonniers que se sont livrés la France et l’Allemagne concernant l’insertion du nucléaire dans la taxonomie verte. Malgré une opposition farouche de l’Allemagne, la France a momentanément gagné le combat à la suite d’un vote largement majoritaire au Parlement européen, le 6 juillet 2022. Le vote français est cohérent avec la politique nationale : les députés européens des partis de la NUPES ont voté contre et parlent d’un « vote de la honte », tandis que ceux issus de la Macronie et de la droite ont voté pour. Le nucléaire est donc devenu un marqueur civilisationnel essentiel opposant la droite « conservatrice » à l’extrême gauche « déconstructrice ».
En effet, le pacifisme n’est plus aujourd’hui qu’une motivation parmi d’autres de l’antinucléarisme vert. Ce dernier s’inscrit dans une démarche beaucoup plus globale dont le dessin ultime est de déconstruire nos sociétés occidentales pour créer une nouvelle société égalitariste, racialiste et inclusive purgée de son « démon » capitaliste. Une démarche « climato-gauchiste » instrumentalisant le climat comme le nucléaire à des fins idéologiques.
Voulue par le Président Macron, la relance du nucléaire est louable. Mais les nombreux renoncements dont il fut partie prenante jusqu’à un passé récent ont fait perdre vingt ans à la France. Vingt ans durant lesquels notre dépendance au gaz ne cessera de croître.
Pour davantage d’information, se référer au nouvel ouvrage de Philippe Charlez « Les Dessous d’une catastrophe énergétique », publié aux Éditions Kiwi. Acte 2 « Comment les verts ont méthodiquement ruiné la filière nucléaire européenne ».
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