Les professeurs et les directeurs de prison le savent bien. Vient un moment, quand la mutinerie est trop engagée, où la sanction est aussi simple à manier que de la nitroglycérine.
Si on ne la prononce pas, on court le risque que les rebelles se croient tout permis, entraînant par contagion les couards et les frileux qui attendaient de voir comment les choses allaient tourner avant de se lancer.
Si on la prononce, on court le risque de soulever un peu plus les séditieux, d’en faire des martyrs, de mettre de l’huile sur le feu, de galvaniser les tièdes et de conscientiser les indifférents.
Tel est le dilemme de l’Europe face à Viktor Orbán, avec son article 7 qui pourrait bien être une victoire – si tant est qu’elle arrive à son terme – à la Pyrrhus.
Le bonhomme est là, face à eux, David contre Goliath, avec toute sa gestuelle bourrue et maladroite de ressortissant de l’Europe périphérique.
Il est issu, lit-on ici et là, des classes moyennes rurales et monté par le mérite.
Père de cinq enfants – un des rares gouvernants européen à avoir procréé -, il aime, dit-on, le football et la littérature hongroise.
Tout cela, on le croit, car on le voit.
Il le porte sur lui.
Parmi tous les croque-mitaines que d’autres peuples, plus fous ou plus malins que nous, ont osé élire, et que nous contemplons fascinés, avec un mélange d’envie et de défiance, celui-ci est sans doute le plus attirant.
Les postures fantasques de Trump sont trop américaines, les accents autocratiques de Poutine sont trop slaves, et même les rodomontades de Salvini sont un peu trop méditerranéennes.
Mais celui-ci pourrait être français.
De la France pompidolienne, s’entend, car on sait bien que la chape communiste a fait des pays de l’Est des sortes d’Hibernatus ayant loupé quelques épisodes, et notamment le sémillant tournant mondialiste libéralo-libertaire.
Il a le physique, l’humilité, le sérieux, la réserve, et même les costumes trop larges des hommes politiques d’autrefois.
Il paraît qu’on lui reproche de ne pas respecter « l’État de droit » et les « valeurs de l’Union européenne ».
Qui veut noyer son chien l’accuse de la rage.
Son dirigeant européen, aussi ?
« La décision d’aujourd’hui n’est rien de moins qu’une petite vengeance des politiciens pro-immigration contre la Hongrie », a lâché le ministre des Affaires étrangères hongrois Péter Szijjártó.
En ce 12 septembre, l’Europe a fait de Viktor Orbán un symbole, un épouvantail, une balise.
Autour de laquelle les uns et les autres – à leur corps défendant, car il savent bien que, si près des élections, on ne sort jamais de l’ambiguïté qu’à ses dépens – vont être forcés de se positionner.
Ça a déjà commencé, et cela risque d’être fort intéressant.
Gabrielle Cluzel
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