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mercredi 29 avril 2020

Confinés, déconfinés, surveillés




Adieu, l'homme du Picardie | jour après jour


Publié le 29/04/2020
 Natacha Polony
Directrice de la rédaction

"Les annonces du Premier ministre sur les modalités du déconfinement prouvent une chose : le confinement a été nécessaire parce que nous n’avions pas les moyens de « protéger, tester, isoler ». 

Nous avons désormais les armes élémentaires ?

Nous allons donc enfin pouvoir reconstruire un équilibre entre liberté individuelle et sécurité collective."
Cette crise aura finalement eu pour mérite de rappeler aux pays occidentaux que la politique, plus encore en démocratie, ne consiste pas à gérer l’existant à coups de tableurs Excel mais à affronter l’imprévu, le tragique, l’Histoire, en protégeant les populations et en préservant le bien commun. Hélas, nos dirigeants sont formés pour être des marins d’eau douce.
D’excellents pilotes de péniche, avec une connaissance précise de la mécanique des fluides sur canal artificiel.
Les voilà au milieu d’un océan déchaîné, ou pire, à devoir passer le détroit de Magellan et barrer cernés par les récifs.
Nul ne peut leur en tenir rigueur.
Il faut juin 1940 pour révéler un de Gaulle, qui s’apprêtait à prendre sa retraite dans un anonymat total.
Emmanuel Macron, Edouard Philippe et leur armée d’énarques ne peuvent faire que ce qu’ils ont appris à faire. De leur mieux.

pilotes de péniche


La question de savoir s’il eût été possible de faire autrement ne peut donc se poser qu’avec circonspection.
Ceux-là ont hérité de trente ans d’impuissance consentie, de choix du court terme et d’abandon aux lois prétendues universelles du néolibéralisme.
Il n’y a plus de gouvernail.

Bien sûr, laisser atterrir à Roissy 20 avions par jour en provenance de Chine alors qu’une épidémie y est déclarée laisse pantois ; tarder à commander les masques et les tests ; laisser les lourdeurs administratives entraver l’initiative locale quand toutes les énergies seraient nécessaires…
On peut analyser chacune de ces erreurs et leur source idéologique : posture d’« ouverture » parfaitement hors sujet, culture centralisatrice, incapacité à penser véritablement la démocratie et donc le libre arbitre des citoyens…
Pour autant, et au fur et à mesure que les dégâts économiques se profilent, ce qui restait de consensus se fissure irrémédiablement.
Pas seulement au gré des positionnements politiques.
On voit, ces derniers jours, naître des doutes autour du seul élément que nul n’osait remettre en question jusqu’à présent : le confinement.
Il y eut ces confidences de « proches » de Nicolas Sarkozy le disant « circonspect », voire « réservé » sur le confinement.
Puis l’un de ses anciens conseillers, Maxime Tandonnet, a pris la plume dans le Figaro pour rappeler qu’en démocratie « toute restriction des libertés doit satisfaire aux critères de nécessité et de proportionnalité ».
Y a-t-il eu proportionnalité, si l’on compare les ravages – notamment sanitaires, et notamment sur les plus fragiles – que fera la crise économique à venir avec le nombre de morts causées par le virus ?
Après la sidération des premiers morts, la crainte d’une deuxième vague doit retenir les esprits chagrins ou les fanfarons
Le philosophe André Comte-Sponville, soutien affiché d’Emmanuel Macron, après avoir bien précisé qu’il était favorable au confinement, s’est lancé dans un réquisitoire contre la prééminence de l’impératif médical sur toutes les autres valeurs.
Selon lui, cette crise signerait le retour de la mort, que les sociétés occidentales avaient cru évacuer, une mort qui serait finalement naturelle quand il s’agit de gens âgés de plus de 80 ans, et qui ne devrait pas justifier qu’on sacrifiât l’avenir des jeunes générations.
C’est sans doute pour répondre à ces objections que l’Institut Pasteur a publié une étude précisant que le confinement aurait sauvé 60.000 vies. (?)
Face à ce chiffre, les doutes s’éteignent.
Après la sidération des premiers morts, la crainte d’une deuxième vague doit retenir les esprits chagrins ou les fanfarons.
Mais elle ne doit pas interdire tout débat.
Surtout si celui-ci se fait au nom de valeurs essentielles sans lesquelles la préservation à tout prix de la vie n’a plus guère de sens.
Les annonces du Premier ministre sur les modalités du déconfinement nous prouvent une chose : le confinement a été nécessaire parce que nous n’avions pas les moyens de « protéger, tester, isoler ».
Une tribune d’épidémiologistes publiée dans le Monde pour défendre l’application destinée à tracer les malades propose de « substituer au terme “liberté” de notre devise française, temporairement, celui de “responsabilité” pour chacun d’entre nous ».
C’est oublier que la véritable liberté implique non seulement la responsabilité, mais aussi l’autonomie.
La capacité d’arbitrer.
A l’opposé du maternage autoritaire et centralisé.
Sans doute sera-t-il très difficile d’établir pourquoi la Suisse, l’Allemagne ou la Suède n’ont pas eu besoin d’un confinement du même ordre que celui que la France, avec de nombreux autres pays, s’est imposé – ces pays avaient, pour le moins, des tests et des masques.
Peut-être faudra-t-il recourir, d’ici quelques semaines, à de nouvelles mesures exceptionnelles.
A tout le moins devons-nous considérer que ces mesures, comme toutes celles, temporaires, que nous serions amenés à accepter, ne doivent servir ni à délester les citoyens de leur liberté, ni à abandonner la responsabilité politique au nom du seul impératif sanitaire, qui se substituerait aux autres dimensions de la vie sociale.
Les annonces du Premier ministre sur les modalités du déconfinement nous prouvent une chose : le confinement a été nécessaire parce que nous n’avions pas les moyens de « protéger, tester, isoler ». Nous avons désormais les armes élémentaires ?
Nous allons donc enfin pouvoir reconstruire un équilibre entre liberté individuelle et sécurité collective.

Le point de départ serait de considérer qu’aucun débat n’est tabou et que c’est l’exercice permanent de la liberté qui crée la conscience civique.

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