Quoi qu'il dise ce lundi...
Tout a été dit sur l’aveuglement et les erreurs du pouvoir dans l’anticipation et la gestion de la révolte des gilets jaunes : mépris, mensonges, manipulation, diabolisation, autoritarisme, méconnaissance de la profondeur de la colère.
Emmanuel Macron vient de confesser des « conneries », dont l’imposition des 80 km/h.
Il lui aurait suffi de nous lire, dès le mois d’août, pour comprendre que la révolution des gilets jaunes avait commencé là…
Pour un Président théoricien du kaïros, du « moment opportun », l’ironie est cruelle : il a, ces derniers mois et ces dernières semaines, systématiquement agi à contretemps.
Désormais, il n’a plus que quelques actes à poser, étant entendu qu’il ne pourra plus être ni faire le Macron qu’il a été jusque-là.
Il est désormais un Président sous haute surveillance.
La révolution des gilets jaunes l’a fait passer du statut de monarque absolu à celui de monarque constitutionnel, et sa déchéance est allée bien plus vite que celle de Louis XVI : nous ne sommes plus à la fête de la Fédération, si tant est qu’il se projette dans cette perspective, mais dans l’après-Varennes.
Les Tuileries de Macron, c’est l’Élysée dans lequel le peuple l’a ramené et où il s’est enfermé.
Pour prendre une image institutionnelle plus contemporaine, il inaugurera demain, quoi qu’il dise, une cohabitation d’un nouveau genre : un Président démonétisé surveillé par son peuple qui, à la moindre alerte, reprendra son gilet et occupera son rond-point.
Dans cet état d’affaiblissement extrême et du pays et du Président, on ne voit pas comment Emmanuel Macron pourrait échapper à la démission, tôt ou tard.
Dans un mouvement comme celui-ci, les kaïros manqués ne se rattrapent pas.
D’abord, le mouvement ne faiblit pas.
Quoiqu’en dise le ministre de l’Intérieur.
Malgré les tentatives pour dissuader et dramatiser.
Pire, pour le pouvoir : il y a escalade et il ne parvient pas à la juguler.
Au moment même où Christophe Castaner se livrait à un numéro d’autosatisfaction, prétendant avoir maîtrisé la situation et mis fin à l’escalade, des barricades brûlaient à Bordeaux et à Toulouse, dans le quartier Saint-Cyprien.
Les blindés le 8 décembre.
Des centaines d’arrestations préventives.
Et après ? L’armée ?
Quel président d’un pays démocratique peut mettre le doigt dans cet engrenage ?
Hier, c’est Erdoğan qui ironisait pour dénoncer la violence qui règne en France.
Et demain, l’image d’un gilet jaune arrêtant un blindé, comme à Tian’anmen ?
Voilà les images qui guettent Emmanuel Macron.
Dur à porter pour le pourfendeur des démocraties dites « illibérales »…
Ensuite, le mouvement est partout, aussi bien en province qu’à Paris.
Il est fluide et mobile, comme on l’a vu à Paris ce 8 décembre, où les points chauds étaient nombreux et mouvants.
Enfin, un tel mouvement, populaire, fort, déterminé, où les symboles du drapeau tricolore et de « La Marseillaise » sont systématiquement mis en avant, ne peut être traité par la répression que promet l’escalade actuelle.
Pour le dire crûment, ni les blindés de la gendarmerie ni l’armée ne peuvent être envoyés contre les gilets jaunes.
Ce serait faire basculer le pays dans une autre dimension : celle de la guerre civile.
Et le Président en porterait l’entière responsabilité.
Le Président ne peut plus être le dénoueur d’une crise qu’il a créée, qu’il a laissée pourrir et dont il est devenu la cible, le dénominateur commun, la revendication quasiment unique et hystérique.
Emmanuel Macron s’est voulu, quand il s’est lancé dans sa campagne en juillet 2016, un théoricien du pouvoir exécutif et des rapports du peuple à son roi, en parlant du « vide » laissé par la mort du roi.
Il a prétendu « réinvestir ce vide ».
Il a échoué.
Plus que les autres Présidents, cette prétention un peu démesurée de sa part lui impose d’assumer la dimension sacrificielle du chef d’un pays et d’un peuple plongés dans une crise grave.
Bref, le « Macron démission » n’est peut-être pas qu’un simple slogan de manif.
Mais la solution.
Dominique Monthus
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