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samedi 16 mai 2015

Cinéma: Le scandale des aides publiques..


12/05/15 à 18:28

© E-press / KCS / Archives du 7ème Art / Visual / Getty

Réservées aux petites productions d'art et d'essai, les aides publiques au cinéma ?

En théorie oui.
 Mais dans les faits, les grosses cylindrées du septième art en profitent aussi.
Magie du cinéma ou copinage avec les producteurs ?
 En tout cas, quand il s'agit de biberonner l'industrie du film tricolore, les pouvoirs publics ont souvent tendance à oublier la rigueur.
 Dernier exemple en date : en décembre dernier, l'Assemblée nationale a encore renforcé l'une des nombreuses niches fiscales dédiées au grand écran.
 A partir de 2016, donc, le taux du crédit d'impôt accordé aux investisseurs passera de 20 à 30% pour tous les films de moins de 7 millions d'euros de budget.
Et pour les œuvres d'animation, il sera porté à 25%.
Bah, ça ne fera jamais qu'un coup de pouce de plus aux salles obscures !
 Il y en a tellement que certains producteurs passent aujourd'hui plus de temps à ratisser les aides qu'à peaufiner les scénarios.

 Pour y voir un peu clair dans ce maquis, Capital a plongé dans la base de données du site Cinéfinances.info, qui compile les budgets de tous les films produits en France.
 Nous avons sélectionné les trois dernières œuvres dans lesquelles jouent nos principaux acteurs, et additionné les différentes aides publiques encaissées.
 Le résultat de ce palmarès exclusif est plutôt décoiffant.

Premier constat, les sommes en jeu sont encore plus considérables qu'on ne l'imaginait.
 En moyenne, chacun des trois films dans lesquels Gilles Lellouche tient le premier rôle a englouti 2,2 millions d'euros d'argent public et ceux de Charlotte Gainsbourg 1,4 million.
 «C'est considérable, mais cela n'a rien d'étonnant», observe Serge Siritski, de Cinéfinances.info.
Selon la Cour des comptes, les seules niches fiscales ont apporté 145 millions d'euros au grand écran en 2012, huit fois plus qu'en 2002.
Si l'on y ajoute le financement du régime des intermittents du spectacle (au moins 100 millions d'euros par an pour les seuls faiseurs de films), les aides du Centre national du cinéma (90 millions annuels, dont 25 millions d'avances remboursables), les investissements imposés aux chaînes de télévision (57 millions l'an dernier pour les antennes publiques) et les subsides offerts par les régions (16 millions en 2014), le soutien dépasse 400 millions par an.
 Deuxième constat : les aides ne vont pas toujours où elles le devraient.
Versées au nom de l'exception culturelle, elles sont en effet censées soutenir avant tout les œuvres peu commerciales, qui ne pourraient se tourner sans elles.
 Pour les heureux élus, c'est le jackpot : les films d'auteur atteignent souvent la limite légale de 50% de subventions.
 «The Smell of Us», par exemple, long métrage confidentiel de Larry Clark réalisé en France, a bouclé la moitié de ses 2,7 millions de budget avec de l'argent public.
 Le problème, c'est que l'Etat et ses satellites dispensent aussi leurs largesses aux superproductions.

 Et pas avec le dos de la cuiller !
 Alors que la moyenne des soutiens représente 8,9% du budget des films, certains barnums parviennent à faire couvrir près de 15% de leurs dépenses par le contribuable (16% pour ceux de Charlotte Gainsbourg, 13,6% pour Omar Sy).

Selon nos informations, dix projets de films à plus de 10 millions d'euros ont déjà fait le plein de subventions depuis janvier : «Les Visiteurs 3», «Camping 3», «Papa ou Maman 2», «Baby sitting 2», «Les Tuche 2»...

Le plus gênant, c'est que ces fonds servent pour une bonne part à payer les cachets plantureux de certaines stars.
Prenons par exemple «La French». Gilles Lellouche et Jean Dujardin, ses têtes d'affiche, ont encaissé à eux deux 2 millions d'euros, soit près de la moitié des subventions perçues !
Valérie Boyer, directrice de France 2 Cinéma, qui a mis de l'argent dans ce film, regrette cette dérive.
 «Ce sont les producteurs et les agents qui en sont responsables.»
De fait, dans ce système où l'argent attire l'argent, il est indispensable de mettre en avant des acteurs «bankables» pour décrocher des financements.
 Pour essayer de briser ce cercle infernal, le CNC vient de décider de limiter les cachets à 900.000 euros.
 Au delà, le producteur peut faire une croix sur les aides publiques.
Mais dans la pratique, la mesure est facile à contourner.
D'abord parce que la règle ne s'applique pas sur la partie de la paie indexée sur les recettes, qui compte souvent pour beaucoup.
«On n'interdit pas la rémunération au succès», sourit Pierre-Emmanuel Lecerf, directeur financier du CNC.
Et puis parce qu'il est toujours possible pour les producteurs de rémunérer discrètement leurs stars via une société étrangère...

Les acteurs qui profitent le plus des aides publiques :


(cumul des aides du CNC, des subventions régionales et européennes et de 36% du financement des Sofica versés à la production des trois derniers films)
Source : Cinefinances.info

 
                                                   
Marion Cotillard
Aides publiques : 1,4 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("Deux jours, une nuit", "Blood Ties", "De rouille et d'os")


Omar Sy
Aides publiques : 3,2 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("Samba", "De l'autre côté du périph", "Intouchables")


Léa Seydoux 
Aides publiques : 3,2 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("Journal d'une femme de chambre", "La Belle et la Bête", "Grand Central")

Christian Clavier
Aides publiques : 1,2 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("Une heure de tranquilité", "Qu'est-ce qu'on a fait au bon Dieu ?", "Les profs")


Pierre Niney
Aides publiques : 3,1 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("Un homme idéal", "Yves Saint Laurent", "20 ans d'écart")


Sandrine Kiberlain
Aides publiques : 2,2 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("9 mois ferme", "Elle l'adore", "Violette")


Dany Boon
Aides publiques : 2,7 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("Supercondriaque", "Un plan parfait", "Rien à déclarer")


Jean Dujardin
Aides publiques : 5,4 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("La French", "Möbius", "Les Infidèles")


Gilles Lellouche
Aides publiques : 6,6 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("La French", "L'Enquête", "Les Infidèles")



Charlotte Gainsbourg
Aides publiques : 4,3 millions d'euros pour ses 3 derniers films ("3 coeurs", "Jacky au royaume des filles", "Samba")

Benoît Berthelot

Cette enquête est tirée du magazine Capital actuellement en kiosques


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