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jeudi 12 septembre 2024

[ÉDITO] Rapport Draghi : l’incroyable aveu


mario draghi

 

 

Mario Draghi tire la sonnette d’alarme. Dans un rapport en anglais de 66 pages, l’ancien président du Conseil des ministres d’Italie et ancien président de la Banque centrale européenne ramène le rêve européen à la réalité : un pathétique naufrage. 

 

Ce rapport est un pavé lancé dans l’océan de la doxa européiste imposée depuis des décennies. Dès l’introduction, Draghi pulvérise les pudeurs françaises sur les échecs de l’Europe de Bruxelles : « L’Europe s’inquiète du ralentissement de la croissance depuis le début de ce siècle », écrit le « sauveur de l’euro ». Il constate qu’on a tout tenté « pour stimuler la croissance » mais que « la tendance est restée inchangée ». Faiblesse et impuissance.

Il y a plus grave, pour les pays européens et les gouvernements européistes qui ont vendu sans relâche l’idée d’une UE indispensable pour contrer la puissante économie américaine. « Selon différents indicateurs, un large écart de PIB s’est creusé entre l’UE et les États-Unis », écrit Draghi noir sur blanc. « Par habitant, le revenu disponible réel a augmenté presque deux fois plus aux États-Unis que dans l’UE depuis 2000 », précise-t-il. Relégation.

Les Français relégués paieront la facture

Les ménages du Vieux Continent ne payent donc pas seulement le rêve européen par une immigration sans frein mais aussi par un appauvrissement rapide. Le sentiment de relégation des campagnes, des petites villes, des villes moyennes, des gilets jaunes, des ouvriers, des employés, des fonctionnaires, des professeurs, des infirmières, etc., si bien décrit par l'auteur des Dépossédés Christophe Guilluy était du même tonneau que le sentiment d’insécurité : ce n’était pas un sentiment mais une réalité chiffrée.

L’Europe s’est accoutumée à un taux de croissance faible : les grandes entreprises sont donc allées chercher de la croissance en Asie, nous explique le professeur Draghi. « Super Mario » ne nous dit pas en revanche que, pour croître, les mêmes grandes entreprises sont aussi allées chercher de la main-d’œuvre pas cher en Afrique. La facture sécuritaire et sociale sera payée par les mêmes Français relégués, les contribuables et les prochaines générations.

L'épais rideau médiatique tendu devant la faillite européiste devait s'ouvrir un jour. « Les fondations sur lesquelles nous avons bâti sont aujourd’hui ébranlées », constate benoîtement Mario Draghi. « L’ère de la croissance rapide du commerce mondial semble révolue, les entreprises de l'UE sont confrontées à la fois à une concurrence accrue de l’étranger et à un accès plus restreint aux marchés étrangers. » En clair, l’Europe joue les benêts de la mondialisation. Et se tire des balles dans le genou. « L'Europe a brusquement perdu son principal fournisseur d'énergie, la Russie. Pendant ce temps, la stabilité géopolitique diminue et nos dépendances se sont avérées être des vulnérabilités. » L’indépendance des nations avait donc des vertus ? On se pince.

Défi existentiel

Mais l’Europe ? Cette Europe tournée vers le monde, loin des réflexes néanderthaliens de ceux qui réclamaient des frontières (l’horrible chose) pour les personnes et les biens ? Cette Europe du progrès, de la croissance et de la lumière universelle ? « L’Europe est largement passée à côté de la révolution numérique menée par Internet et les gains de productivité qu'elle a apportés, tranche Mario Draghi. L’UE est faible sur les technologies émergentes qui seront le moteur de la croissance future. » Diable !

Or, la main-d’œuvre va décroître, en Europe, à la satisfaction des écolos qui considèrent que chaque enfant naissant pollue. Comme les vaches et leurs veaux. Il va donc falloir violemment doper la croissance et la productivité, recommande le docteur Draghi. « Si l’Europe ne parvient pas à devenir plus productive, nous serons obligés de choisir. […] Nous n’allons pas pouvoir financer notre modèle social. Nous devrons revoir à la baisse certaines, sinon la totalité, de nos ambitions. C’est un défi existentiel. »

Le diagnostic est indéniable, mais la prescription laisse sceptique : endetter l'Europe de 750 à 800 milliards d'euros supplémentaires pour relancer la machine ! Quant à réduire l’épaisseur de la réglementation - ce que demande Draghi -, autant muer l’énorme machine bruxelloise en start-up ! Pas simple...

Mitterrand et l'Europe « première puissance industrielle » !

À ce stade, il faut regarder en arrière. Quelques semaines avant le référendum de Maastricht du 20 septembre 1992, le champion du « oui » en France, le Président François Mitterrand, s’emballe dans les locaux de Sciences Po Paris. « Est-il normal de penser que seules existent au monde deux grandes puissances économiques et commerciales et, par voie de conséquence, politiques : les États-Unis d’Amérique et le Japon ?, interroge le Président, qui troque alors les idéaux de la gauche pour ceux de l'Europe. Va-t-on laisser "enfoncer" tous nos marchés par ces puissances-là ? »

Ses arguments seront repris par tous ses successeurs, de droite et de gauche. Les discours critiques sont balayés, leurs auteurs qualifiés de faibles d’esprit. L’Europe, lançait Mitterrand, « pourrait être aussi la première puissance industrielle, la première puissance technologique… Et si elle ne l’était pas, du moins pourrait-elle parler d’égal à égal avec ceux qui décident pour le reste du monde. »

Trente-deux ans plus tard, la réalité s’impose. Envahie, débordée, appauvrie, endettée, affaiblie, l’Europe de Bruxelles court vers l’abîme, l’Allemagne fait de moins en moins exception. Le Royaume-Uni s’est enfui et le remords n’étouffe guère les peuples d’Europe de l’Ouest qui ont refusé le funeste rêve, comme la Suisse ou la Norvège.

Ceux qui ont menti n’ont pas de solution mais ils présentent la facture - salée.

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