Emmanuel Macron s’est rendu en Chine du 6 au 8 avril avec, dans ses bagages, la présidente de la Commission européenne, car la France a désormais besoin de l’Union européenne comme tutrice de ses relations internationales.
Le président Xi Jinping n’a pas estimé nécessaire de se déplacer à l’aéroport pour accueillir son homologue et y a dépêché son ministre des Affaires étrangères Qin Gang. Pour qui connaît le subtil art chinois des apparences, ce n’était pas de très bon augure.
Pour le Président français, l’Ukraine constituait apparemment le sujet essentiel des entretiens. Il avait martialement déclaré, à la veille de son départ, que « quiconque aiderait l’agresseur se mettrait dans la situation d’être complice d’une infraction au droit international ». Mme von der Leyen, dans une longue intervention pour le Mercator Institute for China studies du 30 mars, avait déploré que « loin d’être décontenancé par l’invasion atroce et illégale de l’Ukraine, le président Xi maintient son amitié "sans limite" avec la Russie de Poutine » et ajouté : « La manière dont la Chine continuera de réagir face à la guerre menée par Poutine sera un facteur déterminant de l’avenir des relations entre l’Union européenne et la Chine. » Tout cela est bel et bon, mais ces deux personnages semblent ignorer que le principe intangible de la doctrine internationale chinoise est le refus de toute ingérence extérieure dans la définition des politiques de la Chine, réaction au « siècle d’humiliations » subi par la Chine de la part des Occidentaux, à la suite des guerres de l’opium du XIXe siècle. L’Histoire dure longtemps mais les technocrates qui nous gouvernent semblent l’ignorer.
Quel fut donc le résultat concret de ces avertissements ?
La déclaration commune de la République française et de la République populaire de Chine du 7 avril, longue liste à la Prévert de 51 points, énonce : « Les deux parties soutiennent tout effort en faveur du retour de la paix en Ukraine » (point 10). Autant dire que les efforts conjugués d’Emmanuel et d’Ursula pour détacher la Chine de la Russie ont été vains. Mais croyaient-ils qu’ils allaient obtenir un renversement de la politique chinoise, trois semaines après que le président Xi a déclaré à Vladimir Poutine : « Il se produit des changements comme nous n’en avons pas connu depuis 100 ans. Et nous sommes ceux qui, ensemble, sont à l’origine de ces changements » ?Pour ce qui concerne les droits de l’homme, le dernier point de cette déclaration indique : « La France et la Chine soulignent l’importance, pour le développement de chaque pays, de la promotion et de la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales… » Sans doute une plaisanterie dans le plus grand système totalitaire marxiste-léniniste du monde, où le Parti communiste règne en maître et contrôle l’État, l’armée, les entreprises et la vie des gens !
Quant à la situation menaçante concernant Taïwan, même formidable succès. Mme von der Leyen, au cours de sa longue intervention du 30 mars, avait déclaré : « Nous insistons également sur l’importance de la paix et de la stabilité dans le détroit de Taïwan. » Le 8 avril, la Chine a lancé des manœuvres militaires d’ampleur dans ledit détroit afin de s’assurer de « la capacité à prendre le contrôle de la mer, de l’espace aérien et de l’information […] afin de créer une dissuasion et un encerclement total » de Taïwan (télévision d’État chinoise).
Ce fiasco diplomatique est évidemment pitoyable mais, surtout, il souligne l’inconséquence des politiques européennes à l’égard de la Chine et de la Russie. Dans ce même discours, la présidente de la Commission avait indiqué : « Nous dépendons d’un seul fournisseur - la Chine - pour 98 % de notre approvisionnement en terres rares, 93 % de notre magnésium et 97 % de notre lithium » et poursuivi « Les batteries qui alimentent nos véhicules électriques devraient multiplier par 17 la demande de lithium d’ici à 2050 ». Ce qui ne l’avait pas empêché d’annoncer la fin des moteurs thermiques pour 2035. Or, les réserves de terres rares se situent à 35 % en Chine et 20 % en Russie !
Depuis la fin de l’URSS, les États-Unis et l’Union européenne pratiquent la stratégie chère à Brzeziński de « rollback » (refoulement) de la Russie (Le Grand Échiquier, 1997). La guerre d’Ukraine en est une des conséquences, tout comme le rapprochement de la Chine et de la Russie. Celui-ci est une menace pour l’Europe. Au lieu de réintégrer la Russie à la politique européenne, comme elle l’était avant la révolution russe, les apprentis sorciers de Washington et Bruxelles ont précipité la Russie dans les bras de la Chine, qui a aussitôt saisi l’occasion. Décidément, « Jupiter rend fous ceux qu’il veut perdre ». Et « notre Jupiter » n’est pas le moins atteint.
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