Notre Président a tweeté le 21 mai. C’est un oukase électronique, ou presque.
Lénine disait que le communisme véritable, c’était « les soviets plus l’électrification » ; le macronisme, c’est, semble-t-il, Caligula plus la 5G.
Une idée a germé, cette nuit, dans l’esprit du guide, et voilà tout. Il fallait qu’il nous le dise.
En quelques mots : face à la monstrueuse pandémie qui a déjà fauché plusieurs centaines de milliards de vies humaines dans le monde, plusieurs fonctionnaires ou membres du personnel de santé (ce sont les « soignants », vous savez, celles-et-ceux qu’il fallait applaudir à 20 heures) ont payé leur engagement de leur vie. Le Président qui, comme l’empereur Commode dans le film Gladiator, déclarerait volontiers qu’il veut prendre dans ses bras ses sujets mourant de la peste, souhaite que les enfants de ces victimes soient pris en charge par l’État. Pourquoi pas ? Ce statut serait étendu aux familles de militaires morts à l’entraînement ou de fonctionnaires morts au service des autres (lors de catastrophes naturelles ou de missions de sauvetage, par exemple).
Jusque-là, ce n’est pas une mauvaise nouvelle. C’est même plutôt une bonne chose : donner l’argent et l’appui de la France aux descendants de ceux qui sont morts, non pas pour elle, mais à son service, c’est normal. Cela change.
Seulement voilà, il y a deux problèmes. D’abord, les mots ont un sens. Et la dénomination de ces victimes, « mort pour le service de la République », met mal à l’aise. Quel est le rapport, en effet, entre le dévouement au Bien commun et le service d’un régime politique, dont le moins que l’on puisse dire est qu’il ne s’est jamais distingué, depuis sa naissance en 1792, par sa charité désintéressée ? « Mort pour la France » serait bien plus proche de la vérité, mais on ne meurt pas pour la France d’une grippe, fût-elle chinoise, ni même d’un tragique accident sur le territoire national. L’expression « service de la République », qui mélange destin d’un pays et survie de sa structure politique, a quelque chose de soviétique, là encore. « La République », c’est comme « la plus grande des fermetés » : on en entend parler à chaque tweet, dès que quelque chose se passe, mais on ne sait pas vraiment ce que c’est.
Par ailleurs, sur le fond, cette récupération, sans une ombre de vergogne, du sacrifice des agents publics, à l’heure où certains d’entre eux manifestent leur inquiétude, est assez méprisable – et même « nauséabonde », pour le dire avec les mots des imbéciles.
Des militaires à la retraite, puis en activité, ont alerté les pouvoirs publics sur la désagrégation de la France. Des policiers viennent de défiler pour dire qu’ils en avaient assez d’être abandonnés par la Justice, par le pouvoir, et pris pour cible par des délinquants de plus en plus jeunes, avec des armes de plus en plus dangereuses, et dans une grande impunité. C’est donc l’heure de balancer une grenade fumigène, histoire de pouvoir jeter de la poudre aux yeux et se désencercler, comme aux plus belles heures des gilets jaunes.
Rien de mieux, pour cela, qu’un peu de régalien. C’est bien, ça, le régalien. On dit « régalien » sans y penser, ça fait gaullien, pays costaud, avec la bombe et tout. Ce sont les pouvoirs d’autrefois : battre monnaie, rendre la justice, lever une armée. Bon, la monnaie et la justice, vous voyez où on en est. L’armée, malgré ses factieux d’extrême droite, est la seule qui tienne encore debout. Alors, on va créer de nouveaux pans de régalien. Mettre du Placo™ sur les écuries d’Augias. D’où ce nouveau statut : « mort pour le service de la République ».
Et ces braves citoyens, qui tombent chaque semaine sous les coups de la racaille, souvent « sans motif apparent » ou « pour une histoire de cigarette », qui s’occupera de leurs enfants ? Ces clochards qui meurent de froid l’hiver, alors que toutes les chambres du Campanile™ d’à côté sont occupées par des migrants, qui leur rendra leur dignité ? Ceux-là ne tombent pas pour le service de la République, mais à cause de ses incohérences. Ce n’est pas assez chic.
Mais attendons le prochain tweet de notre guide. On verra ce qu’il en dit.
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