Sous le titre « Présidentielle : un “clown” peut rebattre les cartes de la campagne », le magazine Le Point donne la parole à la journaliste politique Laetitia Krupa, qui vient de publier un ouvrage intitulé La Tentation du clown.
Elle a mené une enquête tendant à démontrer « comment un candidat hors système va bouleverser l’élection présidentielle », compte tenu du discrédit des élites politiques. Peut-on prendre cette hypothèse au sérieux ?
La démonstration se veut convaincante : « Quand un peuple ne juge plus ses élites légitimes, crédibles et aptes à les représenter, il se tourne vers des figures populaires et empathiques. » Et de citer les exemples de Donald Trump aux États-Unis, Volodymyr Zelensky en Ukraine, Jair Bolsonaro au Brésil ou encore Beppe Grillo en Italie. Quels seraient, en France, les « clowns » qui pourraient émerger subitement ? La journaliste a testé le potentiel électoral d’une dizaine de personnes où l’on trouve, pêle-mêle, des noms comme Cyril Hanouna, Jean-Marie Bigard, Vincent Lindon, Michel Onfray, Éric Zemmour ou le général de Villiers.
Il n’est pas certain que tous apprécient de se voir ainsi traités de « clowns », fût-ce au sens figuré, même si certains d’entre eux en ont plus le profil que d’autres. Ni qu’il faille prendre en considération cette perspective, qui séduit plus les médias, en mal de sensationnel, que la majorité des Français qui font preuve de davantage de jugeote. Le coup de Coluche, ils connaissent ! Le plus intéressant de cet entretien est ailleurs.
Emmanuel Macron, explique la journaliste, aurait tout intérêt à ce qu’une telle figure entrât dans la course.
Sa présence renforcerait son image de « candidat sérieux », un candidat de « la raison », comme aime à le répéter Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, qui fait, en l’occurrence, office d’imprésario. Mais, surtout, elle affaiblirait la candidature de Marine Le Pen en grignotant son socle électoral. On peut donc penser que le pouvoir, à défaut d’un Cyril Hanouna, qui semble avoir renoncé à l’honneur qu’on lui faisait miroiter, ne veuille pousser en avant quelque prétendant plus sérieux.Clowns ou pas clowns, les candidats éventuels qui viseraient un électorat en partie commun avec celui du Rassemblement national contribueraient, volontairement ou, selon la formule prêtée à Richard Virenque, à l’insu de leur plein gré, à lui faire perdre des voix au premier tour et à affaiblir ses chances au second. Les plus lucides le savent. Le propre des humoristes, c’est de brocarder les politiciens qui le méritent ; l’intérêt des politiques qui souhaitent vraiment la défaite de Macron, c’est de s’unir pour le chasser.
La compétition pour l’Élysée peut se passer d’un clown supplémentaire. Elle en a déjà un qui, en de multiples occasions, a montré tout son talent : c’est Macron lui-même. Voyez comme il a tourné en dérision la fonction présidentielle, prenant la pose avec son épouse, le 21 juin 2018, entouré de danseurs aux lunettes noires et maillots de résille ? Voyez-le sur une photo, lors d’un voyage officiel aux Antilles, souriant aux côtés de deux jeunes, dont l’un fait un doigt d’honneur. Voyez comme il a longtemps défendu l’indéfendable Benalla, comme il fait concurrence à Bigard ou Hanouna avec ses petites phrases…
Les Français subissent, depuis quatre ans, le spectacle d’un bouffon. De grâce, qu’on leur épargne une répétition !
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