En France, dès que survient un drame, il est coutume de promulguer une nouvelle loi et d’organiser une manifestation.
La colère de nos forces de l’ordre, militaires et policiers, en demeure la parfaite illustration.
En effet, après les crimes qu’on sait, perpétrés contre ceux qui sont chargés de nous protéger, le gouvernement devait donc réagir ; d’où loi de circonstance entraînant manifestation d’urgence dont on ne sait trop bien qu’elle n’est que de façade.
Un nouveau texte législatif n’engage finalement à rien. À force de les empiler, les lois d’exception finissent par devenir la norme, surtout quand cette dernière a depuis longtemps été inversée. Naguère les voyous avaient peur de la maréchaussée. Depuis, cette même norme a changé, en même temps que la trouille de camp. Pour aller franc, les flics craignent pour leur vie et les racailles ne frémissent pas de peur devant quelques mois de prison.
La seconde ne coûte guère plus. Combien de marches blanches, peluches et bougies à l’appui, de larmes télévisées, de reconstructions bienveillantes et de résiliences nigaudes pour, qu’au bout du compte, tout continue comme avant ? Alors, cette manifestation du 19 mai, censée incarner une sorte d’union nationale ?
Au-delà des effets d’annonce, la vérité est que la police française est depuis longtemps cogérée par des syndicats se répartissant les rôles ; certains de droite, d’autres de gauche. Étrange spectacle que celui-ci : un ministre de l’Intérieur battant le pavé avec ses subordonnés, devant une Assemblée nationale suspecte de ne pas voter les lois censées protéger ces derniers, alors qu’il est partie prenante du gouvernement. Soit « un ministre qui manifeste contre sa propre inaction », note, sans humour, François-Xavier Bellamy, des Républicains.
Avec ses mots à lui, le très fantasque Jean-Luc Mélenchon ne dit fondamentalement pas autre chose, lorsque stigmatisant ces « syndicats factieux » dont le ministre de tutelle, Gérald Darmanin, pourrait éventuellement instrumentaliser la colère. Au risque de marcher sur le Palais Bourbon, comme un certain 6 février 1934 ? Le patron de la France insoumise, même si parfois coutumier des approximations historiques, est assez malin pour ne pas trop sombrer dans un tel anachronisme politique. D’où cette photo postée sur les réseaux sociaux, où on le voit siroter un lait-fraise en une terrasse tout juste ouverte, alors que, paraît-il et à l’en croire, la République serait en danger.
Mais soyons taquins. Gérald Darmanin et Jean-Luc Mélenchon s’invectivent, s’accusant l’un et l’autre de mettre la démocratie en péril, tandis que Jean-Luc Darmanin et Gérald Mélenchon communient de concert dans la croisade anti-lepéniste. L’un dans les Hauts-de-France pour les prochaines élections régionales, et l’autre pour le scrutin présidentiel à venir. À croire que ces gens n’aient que ça à faire de leurs journées.
Pour le reste, il ne manquait pas un seul bouton de guêtre à l’appel et l’ensemble de « l’arc républicain » était au rendez-vous, d’EELV au RN, du PS au PC, des LR à LDI. Mais derrière ce consensus de façade, d’autres sourdes angoisses pointent le bout du museau. Ce sondage, par exemple, cité par Le Monde du jour, selon lequel « 44 % des retraités et gradés de la police porteraient leurs suffrages sur la candidature de Marine Le Pen dès le premier tour de l’élection présidentielle, une proportion qui pourrait atteindre 60 % au second. »
Au final des courses, les manifestants ont salué le ministre de l’Intérieur et son collègue de la Justice Éric Dupond-Moretti, en les huant copieusement.
On se demande bien pourquoi.
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