Il a mobilisé ses troupes pour que le modeste produit de la réforme constitutionnelle de 2008, la tentative de réunir un nombre de signatures suffisant pour que les Français puissent donner leur avis sur la privatisation d’ADP, passe inaperçu et tombe dans la trappe. Mais une victoire sans risque à un « référendum maison », juste avant une campagne présidentielle, ça, c’est très chouette.
Les Français ne sont pas tous idiots. Beaucoup voient la manœuvre, mais aux trois quarts, ils voteraient l’inclusion de la lutte contre le réchauffement climatique dans la Constitution. En somme, ils devinent bien que le sujet sera la réélection de Macron, mais ils sont persuadés, à force d’être bombardés par la pensée unique et le politiquement correct en ce sens, que le climat est important, urgent, que la France a une taille suffisante pour y jouer un rôle décisif et qu’il a donc sa place dans une Constitution déjà trop encombrée. Les régionales risquent d’être décevantes pour la majorité : les retarder, et même les jumeler avec le référendum, aurait l’avantage de mobiliser le camp présidentiel, de diviser l’opposition, de brouiller le sens des votes, d’obtenir un score magistral et peut-être même de sauver les régionales. Que du bonus !
Repas « de travail », donc, à l’Élysée à l’invitation du chef de parti, que le Président ne devrait pas être, et en présence des « chefs de la majorité » pour peaufiner la stratégie. C’était un dîner, après l’heure du couvre-feu, sans masque.
Or, il s’agissait d’une réunion qui pouvait être différée dans le temps, ou se faire par téléconférence. Elle n’était pas « professionnelle », mais carrément politicienne. La cuisine politicienne avait-elle besoin de se faire autour d’un repas ? Autrement dit, ceux dont c’est effectivement la profession passagère de « faire la loi » ont complètement négligé un décret du Premier ministre, lequel, cherchant parfois ses lunettes, avait peut-être mal lu le texte qu’il avait signé. 135 euros, aussi sec, si c’était Madame Michu ! La désinvolture des comportements est manifeste, mais elle plaide évidemment contre leur intentionnalité. Me Di Vizio, l’avocat qui dépose plainte plus vite que son ombre, a immédiatement agi au nom de deux associations, l’une de victimes du coronavirus et l’autre de commerçants et de restaurateurs, « les Pendus », qui ont été, eux, interdits d’exercer leur profession.Au-delà de l’anecdote guignolesque, la question posée est sérieuse : l’égalité des Français devant la loi est l’un de ces principes qu’on proclame avec d’autant plus de vigueur qu’on appartient à ceux des Français qui sont plus égaux que les autres. Pas de populisme ! Les rares privilèges (prière de ne pas rire !) ne sont que la contrepartie d’un dévouement sans faille au bien commun… D’accord, mais alors, il faut être exemplaire ! Et là, nos privilégiés ont affiché leur exception, se sont vautrés dans le mauvais exemple ! Faites comme je dis, mais pas comme je fais ! Remarquons, avec la discrétion qui s’impose à l’égard du gratin de la République, qu’il y avait parmi les convives Bayrou, Ferrand et Solère, dont les démêlés languissants avec la Justice avaient déjà quelque peu entaché le règne. Au moins Benalla n’y était pas, et le monarque, de toute façon, est irresponsable, et immunisé contre les plaintes.
Irresponsable, certes, mais bien coupable, car à ce dîner, il était porteur du virus contre lequel il n’est pas immunisé, ce touche-à-tout, ce tactile compulsif, impénitent et récidiviste. Et voilà les autres membres de la tablée devenus cas contacts et condamnés – enfin ! – à l’isolement. Bref, une réunion politicienne sous forme de banquet va handicaper le travail sérieux de et pour la République ! Alors, le monarque est apparu sur les écrans, les yeux battus, la mine triste et les joues blêmes, bref, l’ombre de lui-même, pour quémander la compassion du peuple, comme un grand frère malade. Jupiter, depuis longtemps chu de l’Olympe, fait le coup de la proximité à la Giscard. Mais là, il ne faut pas charrier…
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