Décidément, la cote de popularité d’Emmanuel Macron doit être bien basse, lui qui fait exploser pourtant tous les records d’audience chaque fois qu’il doit nous annoncer nos nouveaux horaires de sortie.
Un signe ne trompe pas : le réveil des ambitions à droite, chez LR.
Pas une semaine sans qu’un second rôle de ce parti en perdition (8 % aux dernières européennes, perte de Bordeaux et Marseille aux dernières municipales, hémorragie historique de militants) ne réussisse à capter un peu de lumière et à faire miroiter qui son « ambition » (pour la France, bien sûr), qui sa volonté d’« être utile ».
Après David Lisnard, la semaine dernière, promu maître à penser du bon sens libéral à partir d’une tribune dans Le Figaro, voici Michel Barnier.
L’homme du Brexit, et du Brexit positif, gagnant-gagnant ! 1.500 pages, quatre ans de négociation, c’est autre chose qu’une petite bafouille, fût-elle publiée dans Le Figaro. 70 ans ? « Ce n’est pas une question d’âge. Il y a des gens qui ont des cheveux blancs qui ont des idées neuves, et puis des gens très jeunes qui ont de vieilles idées. » Ce n’est pas faux. Visait-il les jeunes de son camp ? Les dirigeants d’EELV ? Ou des jeunes qui pourraient émerger sur sa droite ?
En tout cas, après avoir misé sur un jeune disruptif pour l’Élysée en 2017, avec le résultat que l’on voit, les Français sortis groggy de ce quinquennat pourraient bien se tourner vers une figure plus consensuelle.
Quoi qu’il en soit, l’intéressé joue cette carte à fond, déclarant à France Info : « Mon seul souci, c’est d’être utile à mon pays qui a besoin de davantage d’unité, de solidarité, de justice, de respect aussi. » Des mots qui ne mangent pas de pain, mais le premier et le dernier sont de sacrées pierres jetées dans le jardin d’Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron ? Justement, si vous aviez des doutes en vous rappelant que Michel Barnier avait soutenu Bruno Le Maire, qu’il pensa pouvoir remplacer Edouard Philippe à Matignon, et qu’il fit tout pour que son fils Nicolas soit candidat aux européennes sur la liste LREM (d’après le Monde), Michel Barnier soutient mordicus qu’il n’en a jamais été, lui, du macronisme. Mieux que David Lisnard, qui en est revenu. Visiblement, pour le CV 2022 ou l’attestation LR, la case Macron ne sera plus à cocher. J’en connais beaucoup qui vont fatiguer leur stylo frixion pour gommer cette croix lourde à porter… Pressenti par la majorité LREM pour mener la liste macroniste dans sa région d’origine, Auvergne-Rhône-Alpes, Michel Barnier a décliné : « Ceux qui ont imaginé que je pourrais changer de ligne ou de parti ne me connaissent pas vraiment. » Et dans les « ceux qui », il y a forcément Emmanuel Macron, le serpent hypnotiseur des LR qui aurait préféré avoir le négociateur du Brexit avec lui plutôt que contre lui, car les deux hommes labourent le même électorat.
Donc Michel Barnier, LR il fut, LR il reste et LR il veut reconstruire : « Je vais essayer d’apporter ma pierre, dans ma famille politique qui a aussi besoin d’être reconstruite, au débat politique français, a-t-il dit. Ce n’est pas forcément une démarche individuelle et personnelle. »
S’il a eu le flair de ne pas cocher la case macroniste, Michel Barnier en a coché bien d’autres, depuis son élection, en 1978, comme plus jeune député, en Savoie, sous Giscard. Et des cases qui pourraient lui servir : engagé au RPR mais dans sa frange centriste, enraciné dans sa Savoie natale, respecté dans le monde du sport depuis son engagement avec Jean-Claude Killy pour les Jeux olympiques d’hiver de 1992 à Albertville, actif sur les questions d’environnement lorsqu’il en fut le ministre en 1993 dans le gouvernement Balladur, deux fois commissaire européen, son CV à rallonge peut lui permettre de ratisser large. En somme, un profil de gendre idéal (pour l’âge, il vous a déjà répondu) pour les électeurs de centre droit. Rassurant, en plus. Pas le genre à vouloir « renverser la table » comme David Lisnard, même si l’homme a montré qu’il était capable de remettre la nappe et le couvert quand un autre – BoJo – l’avait renversée.
Bon, redisons-le : si ça s’agite comme ça, chez LR, c’est que ça ne tourne plus très rond pour Macron. Mais c’est aussi que la situation figée à la droite de LR, avec le remake annoncé de 2017 (Nicolas Dupont-Aignan et Marine Le Pen), ne suscite guère d’enthousiasme. Pourtant, avec un macronisme défait et des LR en phase post-traumatique, il y a depuis longtemps un boulevard qui s’est ouvert. Pour le moment, celui des occasions perdues.
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