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dimanche 20 décembre 2020

Je tousse et j’aimerais bien qu’on m’aime


 

Vous vous souvenez, en 2007, de ceux d’entre nous qui trouvaient que Nicolas Sarkozy, nouveau riche mal embouché, dégradait la fonction présidentielle ? 

Premier sous-sol : Rolex, Fouquet’s, Disneyland et talonnettes. 

Et de ceux qui, en 2012, trouvaient que François Hollande, boudiné dans sa combinaison de scooter et jouant les jolis cœurs de sous-préfecture, était encore moins digne que Sarkozy ? Deuxième sous-sol : style cheap, blagues cheap, gouvernement de morts-vivants et désespérante banalité.

Voici venir le troisième sous-sol, celui du nouveau monde. Notre Président vient d’être testé positif au Covid-19, vendredi dernier. Allait-il s’en tenir à un silence spartiate, romain, jupitérien face aux ennuis de la vie, comme de Gaulle, perclus de douleur muette lorsqu’il perdit sa fille Anne ? Le Général se contenta, paraît-il, face au tombeau de sa fille trisomique (c’était l’époque où les enfants trisomiques mouraient de mort naturelle), de ces mots bouleversants : « Maintenant, elle est comme tout le monde. » Il est vrai qu’alors, de Gaulle traversait son désert.

Non, Macron c’est autre chose. N’est pas Jupiter qui veut. Le voici donc face à sa perche à selfie, sur Twitter, qui poste un témoignage : ce que c’est, que d’être positif au Covid. Remake de la fin de « Gaby », d’Alain Bashung : « Aujourd’hui, c’est vendredi, et j’aimerais bien qu’on m’aime ». Sauf qu’au lieu de finir chez Wanda et ses sirènes, notre bon maître se filme sur les réseaux sociaux. C’est lui, la sirène, en quelque sorte.

Avec des mimiques d’exempt de sport qui veut forcer le trait, le Président de la sixième puissance mondiale nous parle de sa toux sèche, de ses maux de tête, de son travail au ralenti (mais bon, il a quand même, ajoute-t-il, le temps de traiter quelques dossiers). Il a téléchargé l’appli : on respire (sous le masque). Il ne comprend pas, il a pourtant bien respecté tous les gestes barrières, il se met du gel sur les mains, il fait très attention. « Un coup de pas de chance. »

On hallucine à chaque seconde. Cela ressemble à un triste fake de Groland. La « gênance », comme disent les jeunes, le dispute à l’exaspération devant ces jérémiades narcissiques. Le Président nous rendra compte chaque jour, annonce-t-il, grâce à ce journal pas si intime. On n’en demandait vraiment pas tant ; une telle indécence passe la mesure. A-t-il suivi les chaînes YouTube de ces gilets jaunes éborgnés qui racontaient leur reconstruction ? Probablement pas. Et ces petits patrons que le confinement a poussés au suicide, a-t-il suivi leur Instagram ou leur Facebook, dans les jours qui ont précédé leur mort ? J’en doute.>

On attendait tout, sauf ce « Cher journal, nous sommes vendredi et je tousse ». Il nous aura vraiment tout fait. Et ce n’est pas fini.

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