Très impressionnée par l’ampleur des dégâts, la presse étrangère rend compte de la troisième journée de mobilisation des “gilets jaunes”.
Un mouvement pris en otage par les extrémistes, mais aussi un révélateur des inégalités dans le monde.
Des voitures renversées, des boutiques incendiées, des monuments nationaux saccagés et, partout, des casseurs à l’œuvre en marge des “gilets jaunes” (mais parfois aussi avec eux) : cette troisième journée de mobilisation a été, de loin, la plus violente et la plus spectaculaire, marquée par de nombreux affrontements avec les forces de l’ordre, notamment à Paris.
A cela s’ajoute, écrit samedi 1er décembre le quotidien espagnol El Pais, un “président débordé se trouvant ce jour-là à 11 000 km de là [à Buenos Aires pour le sommet du G20] et une opposition compromise par son soutien à un mouvement aux objectifs incertains”.
Selon un bilan du ministère de l’intérieur, quelque 136 000 personnes sont sorties dans les rues de France ce 1er décembre, un nombre inférieur à celui des premiers rassemblements des “gilets” ; le 17 novembre, ils étaient par exemple, 282 000.
Mais l’estimation des dégâts est, elle, inversement proportionnelle : au moins 133 personnes, dont 24 membres des forces de l’ordre, ont été blessées dans la capitale, selon la préfecture de police.
A Toulouse, théâtre de nombrux affrontements, on déplore 57 blessés dont 48 parmi les force de l’ordre.
A Arles, un automobiliste est décédé dans la nuit de samedi à dimanche, victime d’un accident sur le lieu d’un barrage organisé par les Gilets jaunes.
La police fait état de 412 interpellations, mais ce sont surtout ces images spectaculaires des ravages des casseurs dans Paris qui ont retenu l’attention des médias étrangers : “La situation a dégénéré. C’est le chaos”, résume El Pais.
Un mouvement pris en otage
Le correspondant du Times de Londres décrit, lui, comment la capitale française est devenue une “zone de guerre” :
“Des gendarmes et des CRS – quelque 4 600 représentants des forces de l’ordre étaient ce jour-là dans les rues de Paris – ont utilisé des gaz lacrymogènes, tiré des grenades assourdissantes et utilisé des canons à eau contre des manifestants portant des masques de ski et des casques à moto qui ont pris en otage ce qui apparaissait au début comme une protestation pacifique contre la hausse des impôts et la chute du niveau de vie dans le pays”.
Puis, The Times décrit le déroulé de cette journée pas comme les autres sur le pavé parisien : l’irruption de violence autour de l’Arc de Triomphe, “symbole de la gloire militaire de la France”, saccagé par des manifestants, puis la casse qui s’étend dans les avenues voisines.
“C’est l’avenue Kléber qui a été la plus touchée, une avenue chic débouchant sur les jardins du Trocadéro près de la tour Eiffel et la Seine. En revanche, les Champs Elysées illuminés par les décorations de Noël et bénéficiant d’une protection policière accrue, sont restés cette fois-ci intacts”, précise le quotidien britannique.
Il s’agit “de la crise la plus sérieuse du gouvernement d’Emmanuel Macron”, écrit pour sa part The New York Times qui rappelle que ces manifestations – et dégradations – ne se sont pas limitées à la capitale française.
Plusieurs manifestations ont eu lieu dans des villes de province et des militants ont brièvement mis le feu à la préfecture du Puy-en-Velay, rappelle le quotidien américain.
Ces événements ont provoqué une “sérieuse inquiétude dans un pays pourtant familier des manifestations de masse”, poursuit le journal.
Condamnant les violences depuis Buenos Aires, le président français a convoqué une réunion d’urgence de ses ministres dès son retour, dimanche 2 décembre, à l’Elysée.
Prenant un peu de hauteur sur ces événements, la presse canadienne voit, elle, dans les “gilets jaunes” un épiphénomène mondial.
Et tisse de nombreux parallèles. “Il existe un parallèle entre ce qui se passe en France et dans presque tous les pays développés, y compris le Canada, alors que de confortables élites urbaines cherchent à imposer leur programme de lutte contre le changement climatique à une population plus large qui peine à payer ses factures”, estime The Globe and Mail (anglophone).
Dans une tribune intitulée “Le monde est jaune”, écrite depuis Paris, Guy Taillefer du Journal de Montréal enchérit :
La France est loin d’être un pays pauvre, non plus, par comparaison, qu’un foyer majeur d’injustice sociale, vu son système très poussé de redistribution de la richesse. Si bien que l’irascibilité manifestée par les Français à travers le mouvement spontané des “gilets jaunes” contre le haussement des taxes sur l’essence et le diesel à des fins écologiques n’en est que plus révélatrice.courrierinternational
Car cette exaspération, dont les racines sont plurielles, ces Français la partagent en fait avec les sociétés d’un peu partout dans le monde, du Nord comme du Sud, face aux défis croisés et contradictoires qui empêchent de penser l’avenir avec plus de sérénité : réchauffement climatique, gentrification des villes, précarisation des revenus de travail et puis, perte de crédibilité des démocraties libérales sur fond de creusement scandaleux des inégalités.
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