« Il faut sauver le soldat Macron » : tel est le titre de l’édito de L’Obs.
Et la nouvelle ligne de défense d’un pouvoir aux abois.
Une ligne que vous pouvez suivre jusque sous la plume de Philippe Bilger qui, reconnaissant que le Président ne pourra plus rassembler sur sa politique, devrait en appeler au peuple, façon de Gaulle 68, avec défilé sur les Champs pour sauver la République.
Nous n’y sommes pas encore…
Mais comparaison n’est pas raison. 2018 n’est pas 68.
La situation est bien plus grave, les amortisseurs bien moins nombreux.
Et, surtout, Macron n’est pas de Gaulle.
Par ailleurs, si de Gaulle avait réussi le rétablissement que l’on sait, tout le monde était convaincu – et lui le premier – qu’une page était tournée, qu’il était mort politiquement.
Le « non » d’avril 1969 confirma cette mort.
Si tel fut le destin de ce géant historique, la lucidité commande de reconnaître que ce nain politique qu’est Emmanuel Macron est bien mort politiquement.
La mort politique d’Emmanuel Macron en décembre 2018 est un fait aussi évident que le débat raté de Marine Le Pen il y a dix-huit mois.
Sa mort, ou sa destitution – car, qu’il finisse ou pas son mandat, la destitution est déjà actée, non seulement dans la partie de l’opinion qui lui est actuellement hostile – et c’est tout de même près de 80 % – mais aussi dans le dernier carré des 20 % de Français qui le soutiennent et qui ont intégré que l’aventure à laquelle ils avaient cru est bel et bien finie.
Trois aspects majeurs doivent en être soulignés en guise de bilan – ou de solde de tous comptes avant licenciement.
Première mort, peut-être la plus spectaculaire car à résonance mondiale : la mort d’Emmanuel Macron sur la scène internationale.
Il faisait la leçon à la Terre entière : à Trump sur le climat, à Poutine sur le respect des manifestations de rue, à Salvini sur les migrants et le budget, à Orbán sur les valeurs et l’Europe.
Le mouvement des gilets jaunes a pulvérisé cette prétention, et justement sur tous ces sujets.
Deuxième mort : le renversement de la « stature » présidentielle qu’avait voulu se donner Emmanuel Macron.
Le peuple, la rue, la province l’ont pris au mot et sont venus se rappeler au souvenir de l’homme du Louvre qui agitait un peu trop légèrement des symboles monarchiques.
Troisième mort qui, elle, dépasse sa personne : celle de l’idéologie qui inspire sa politique, et qui est celle des Présidents précédents : le libéralisme culturel et économique, mâtiné de culpabilisation écologique.
Les gilets jaunes en ont mis au jour les mensonges.
Et cette destitution dialectique n’a pas fini de se propager dans le corps social français.
La réussite d’Emmanuel Macron – ou son « coup » politique de 2017 – consista à présenter la continuation d’une politique classique sous le déguisement d’un changement radical.
C’était de la poudre de perlimpinpin.
Les gilets jaunes constituent le brusque retour du réel.
Enfin, l’aspect le plus surprenant de cette mort est sa dimension suicidaire : Emmanuel Macron avait réellement de nombreux atouts dans son jeu.
Mais en l’espace d’une saison estivale où l’arrogance l’a disputé à l’inconscience, il les a tous dilapidés, et d’abord par ses outrances indécentes de langage et d’image : fête de la Musique, affaire Benalla, Saint-Martin et, enfin, la « lèpre populiste ».
La question que se posent de nombreux commentateurs très indulgents est « Comment en est-on arrivé là ? »
Mais ils n’osent formuler la véritable question : « Comment en est-il, lui, arrivé là ? »
L’originalité d’Emmanuel Macron était d’apparaître comme un produit politique très structuré, très défini, très préparé.
Cela impressionna. La révolution des gilets jaunes le laissent nu et brisé.
Le logiciel a explosé.
Et l’on voit mal le produit se réinventer.
D’ailleurs, il a prévenu qu’il ne « détricoterait » rien de ce qui s’est fait depuis dix-huit mois…
C’est encore le logiciel qui ânonne.
Désormais s’ouvre une nouvelle page politique.
Emmanuel Macron sera peut-être toujours là.
Mais sa statue au plâtre encore frais est en mille morceaux.
Frédéric Sirgant
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