Le 09/02/2018
François Teutsch
Quand la laïcité devient folle, ce sont les écoliers qui en subissent les conséquences.
L’histoire d’un instituteur du Berry illustre, malheureusement, cette dérive.
Matthieu Faucher, 37 ans, est instituteur à Malicornay, un village de l’Indre.
Athée, père d’enfants non baptisés, il exerçait son métier avec conscience et intelligence selon les parents d’élèves.
Jusqu’au jour où, frappé par des questions d’enfants, il a décidé de leur donner un vernis de culture religieuse.
« Dans les années 1970-1980, personne ne se demandait ce qu’était un baptême quand on parlait de Clovis. Aujourd’hui, nos enfants de 9 ou 10 ans font preuve d’une grande inculture religieuse », explique-t-il.
Conscient du fait qu’on ne comprend bien son pays qu’en saisissant ce qui a contribué à le construire, il se lance dans une étude littéraire de quelques textes bibliques, puisque les programmes l’autorisent, dans le cadre de l’enseignement laïque du fait religieux.
Il n’est pas question de dispenser des cours d’instruction religieuse, prohibés à l’école publique.
Mais simplement d’introduire ses élèves à la compréhension du christianisme.
Il n’aura pas le temps de terminer les dix heures de cours prévues dans l’année.
Une lettre anonyme adressée au rectorat, évoquant une forme de prosélytisme religieux, lui a valu une suspension disciplinaire puis, quelques mois plus tard, une mutation d’office dans une autre école du département.
On lui reproche, notamment, d’avoir « exploité des sources religieuses inadaptées à l’âge de ses élèves et contraires aux principes de neutralité et de laïcité ».
L’affaire est révélatrice du dévoiement d’une notion dont on nous explique, pourtant, qu’elle protège la liberté de conscience et assure la neutralité religieuse de l’État qui ne reconnaît aucun culte.
La loi de 1905, sur la question de la laïcité (mot qui n’y figure pas), ne dit rien de plus.
S’il en découle logiquement que l’enseignement religieux ne peut avoir lieu à l’école publique, cette loi n’interdit nullement d’y évoquer l’histoire, la culture, l’art religieux.
La loi, non.
L’interprétation qui est faite, oui.
C’est ainsi qu’on a fait décrocher des toiles de certains bâtiments publics parce qu’elles représentaient des scènes religieuses, en dépit de leur inestimable valeur artistique.
Comprendre quelque chose à une religion dont le poids géopolitique est si important semble naturel. Atteinte au principe de laïcité ?
Non, simple enseignement historico-culturel.
Par un curieux paradoxe, enseigner le christianisme comme un fait historique et culturel majeur est prohibé.
Pourtant, comment comprendre la France, l’Europe, nos monuments, nos villages, notre littérature, notre peinture, notre musique, notre sculpture, notre droit, notre théâtre, nos traditions, notre langue, notre vision du monde, la place de la femme, le respect de la dignité de la personne, notre science, notre économie même, en bref, notre civilisation entière, sans comprendre ce qui l’a faite ?
Il n’y a là aucune volonté de convertir qui que ce soit.
Évoquer Jésus comme un personnage historique n’a rien à voir avec l’adoration de Jésus-Christ fils incarné du Père.
Savoir ce qu’est un baptême ne signifie pas baptiser de force les païens.
Il faut, pour soutenir le contraire, être d’une singulière mauvaise foi ou d’une bêtise confinant à l’absurde.
Il faut craindre, malheureusement, que cette seconde explication soit la bonne.
Les gens qui dirigent notre pays sont devenus incapable de comprendre la nuance entre foi et culture.
« L’Ancien comme le Nouveau Testament font partie de notre patrimoine culturel au même titre que la mythologie grecque ou romaine ou que les monuments religieux que les enseignants sont invités à faire visiter à leurs élèves : quelle différence y a-t-il, du point de vue du “prosélytisme” ou de son absence, entre faire lire en classe un passage de l’Évangile et commenter un vitrail qui a ce passage pour objet ? »
Ces propos sont de Pierre Kahn, coordonnateur du groupe d’experts chargé de concevoir le programme d’enseignement moral et civique.
Le bon sens même.
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