Le 26/01/2018
Christian Vanneste
Derrière le décor du village Potemkine de Davos, les coulisses sont moins reluisantes.
Ils étaient partagés.
D’un côté, ils pouvaient, pour certains, ressentir quelque fierté d’avoir un représentant jeune, brillant et parlant si bien le sabir atlantique, avec peut-être la promesse d’un décollage économique grâce à l’afflux des entreprises et des capitaux que la séduction française attirera.
De l’autre, et pour beaucoup, ils ne pouvaient que s’interroger sur le décalage entre ces images portées comme d’habitude par des médias enthousiastes et la morne réalité des autres informations. Après avoir reçu fastueusement à Versailles 150 grands patrons à l’échelle mondiale, M. Macron se rendait au sommet des Maîtres du Monde.
Pendant ce temps, les gardiens de prison, agressés quotidiennement, mal rémunérés, se faisaient menacer par l’administration pénitentiaire de sanctions pécuniaires pour faits de grève illicite.
On a compris que l’énarque et ancien banquier s’intéresse davantage à la super-classe mondiale, avec laquelle il se sent plus à l’aise, qu’aux gens dont les emplois modestes montrent qu’ils n’ont pas réussi.
Jupiter a choisi de déléguer les sujets difficiles, pour ne pas dire les problèmes insolubles, au gouvernement qui va s’y user, tandis qu’il maîtrisera l’agenda de sa mise en valeur médiatique. Versailles, Davos et bientôt Washington sont les étapes d’une histoire personnelle qui doit aller de succès en succès, ponctuée de quelques courts moments bien protégés de tout risque, à Calais ou chez les paysans.
Mais à y regarder de plus près, le spectacle laisse à désirer.
« France is back » est le slogan repris en chœur par les médias.
La traduction apparente serait que la France est de retour, mais au-delà du langage orwellien, on pourrait aussi entendre : la France a capitulé.
On connaît la phrase de François Ier après Pavie : « Tout est perdu fors l’honneur. »
Ce roi était celui qui avait légalisé l’usage du français par l’ordonnance de Villers-Cotterêts.
On pourrait, à propos de Davos, résumer l’allocution présidentielle par une formule : « Rien n’est perdu, sauf le français ! »
Or, cette perte n’est pas anodine.
Mme Merkel de même que le représentant chinois ont vanté le libre-échange, dont ils sont les gagnants.
Les Américains ont, avant l’arrivée de leur président, annoncé la guerre économique.
Le « retour » de la France, dont le rétablissement économique demeure bien poussif, a consisté à faire allégeance au mondialisme en parlant sa langue, et en quémandant ainsi la récompense de l’abandon de ce qui lui restait d’essentiel : sa culture.
Ce n’était nullement nécessaire.
Comme l’écrit Claude Hagège dans Contre la pensée unique, « la langue française est la substance même de la nation française ».
Sa destruction, son remplacement sont l’objectif « d’un travail de sape des élites vassalisées ».
Il est clair que leur candidat est devenu président de la République.
Le chômage a reculé presque partout en Europe.
En France, il stagne avec à peine une baisse de 0,1 % en décembre, et nous laisse à un taux de 9,2 %, tandis qu’il est de 3,6 % en Allemagne et de 7,3 % dans l’Union européenne, malgré les 16 % des Espagnols qui l’ont fait baisser de trois points en 2017.
Les annonces de suppressions d’emplois par des groupes aussi importants que PSA ou Carrefour n’améliorent guère les perspectives.
Notre commerce extérieur est toujours au rouge vif : en novembre, le déficit se situait à 5,7 milliards d’euros et portait le cumul à 60 milliards sur onze mois.
La politique budgétaire n’est pas à la mesure des ambitions affichées : elle additionne des cadeaux ciblés et une poursuite du matraquage fiscal plus qu’une maîtrise des dépenses publiques.
M. Macron est revenu auprès des siens à Davos et leur a parlé leur langue.
Ce n’était pas la France qui était de retour.
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