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lundi 6 juin 2016

Pourquoi Hollande a besoin de l’Euro 2016

Le 06/06/2016

Article écrit pour Atlantico.
 
François Hollande s’est fendu d’un passage à la radio pour parler de l’Euro 2016.
 
 Dans son cas, l’exercice était moins agréable qu’il ne pouvait l’espérer, puisqu’il a dû confesser qu’il maîtrisait très peu la situation du pays qu’il préside! entre risque terroriste et mouvements sociaux, la France donne la pire image d’elle-même dans la compétition mondiale.
Raison de plus pour miser sur un sauvetage par le sport!
 
Le sport, cet opium du peuple

Face au naufrage en cours, François Hollande ne peut plus guère compter que sur les grandes messes sportives pour tenir.
De ce point de vue, l’Euro 2016 devient le (mauvais) prétexte pour cacher toutes les poussières sous le tapis.
Qu’un Président de la République, aidé de son Premier Ministre et de sa première Ministre d’Etat, soit en position de supplier quelques fédérations syndicales contestataires de bien vouloir arrêter le conflit dans lequel elles se sont lancées depuis plusieurs semaines en dit long sur le désarroi du pouvoir et sur l’importance stratégique que François Hollande accorde à l’événement sportif.
Pour le Président, la grande messe de 2016 doit apporter plusieurs bénéfices.
 Un bénéfice inattendu d’abord, identique à « l’unité nationale » après le 7 janvier 2015: il faut mettre de côté tous les désaccords et se rassembler derrière le leader maximo pour assurer l’événement. Aucun des problèmes du pays n’est réglé, mais il ne faut plus s’en occuper.
Surtout, pendant que le peuple regarde des matches de football, il ne s’occupe plus de politique, de contestation ou de revendication.
Du pain et des jeux!
 Et pour peu que l’équipe de France remporte des succès, rien n’exclut que la popularité du président en profite.
Voilà ce que Marx appelait l’opium du peuple.

 
Le football comme métaphore

François Hollande, dont le quinquennat s’achève dans une immense opération de communication dont la vacuité est totale, a bien compris l’intérêt de l’opium en situation de crise.
Les ondes de France Inter lui ont donc permis de « faire peuple » en mettant la culture footballistique au service de ses intérêts.
Habitué aux figures rhétoriques, Hollande n’a pas hésité à filer la métaphore en comparant son mandat à un match de football.
«J’ai le poste qui est le plus important, celui permet à toute l’équipe, en l’occurrence la France, d’être en situation de réussir.»
Quel bonheur, de pouvoir exprimer une proximité avec le bon peuple des fans de football en donnant l’illusion d’une identité entre le spectacle qui se jouera dans quelques jours et la comédie du pouvoir! François Hollande a d’ailleurs eu ces mots remarquables:
« Il y a dans le sport une théâtralisation, jusqu’au coup de sifflet final on ne sait pas ce qui va se produire ».
La théâtralisation: le mot est prononcé.
 
Tourner la page des « sans-dents »

Politiquement, François Hollande devrait retirer un autre bénéfice induit de l’opération Euro 2016.
En confessant qu’il aime le football et qu’il aurait voulu devenir footballeur, il joue un rôle habile où beaucoup pourraient le représenter en enfant des quartiers amoureux du ballon rond.
L’occasion était trop belle pour ne pas être saisie: après un quinquennat où les Français ont beaucoup reproché au « président normal » d’être coupé de leur réalité, après un quinquennat marqué par l’expression « sans dents » sous laquelle François Hollande désignerait, dans l’intimité, nos concitoyens les moins fortunés, la sérénade du footballeur raté devenu président de la République est une grosse ficelle dont il ne faut surtout pas se priver.
 
C’est aussi à cela que sert le sport: à faire vivre l’illusion qu’un Président de la République partage les mêmes passions, la même culture, et la même vie que n’importe quel Français passionné de ballon rond.
Là encore, la virginité se reconstitue à bon compte.
 
1 an de campagne pour garder son mandat

Alors que Nicolas Sarkozy avait entamé tardivement sa campagne électorale, jusqu’à perdre d’une courte tête face à son adversaire, François Hollande a la sagesse de la commencer très tôt et de se mettre en position de la gagner.
 Pour y parvenir, il applique avec constance les grands principes chiraquiens qui ont fait leur preuve.
Premièrement, il faut se camper dans la peau de l’homme « sympa ».
L’exercice de ce soir en constituait un épisode et une illustration.
Pour plaire, il suffit de faire des sourires et de faire des petites blagues.
Deuxièmement, il faut faire des cadeaux et des promesses aux électeurs, au besoin en mordant la ligne jaune.
Par exemple, les chiffres du chômage tombent bien.
 Personne ne vérifie dans le détail la façon dont ils sont bâtis: tout le monde a envie d’y croire. Ajoutez-y les cadeaux à différents groupes d’électeurs (les enseignants, au hasard) et la cote de popularité a une chance objective de progresser.
Troisièmement, il faut communiquer à tout va en jouant sur la bonne volonté, et parier sur la chance.
Les résultats économiques qui reviennent partiellement appuient ce raisonnement.
 
Hollande va-t-il renoncer à réformer?
 
Il existe toutefois encore et toujours une différence entre Hollande et Chirac.
 Le dernier avait bien compris que la réforme était une source inutile d’embarras.
L’affaire du CPE le lui avait prouvé.
Hollande fait encore mine d’agir.
 
Mais, en bon chiraquien, il devrait y renoncer, peut-être à sa manière.
Au lieu de retirer son projet de loi sur le travail, il pourrait choisir de le vider complètement de son contenu, non sans avoir épuisé son Premier Ministre à la tâche.
 
Les semaines à venir nous le diront, et confirmeront la probabilité d’une réélection à l’usure de François Hollande en 2017, non parce qu’il aura été le meilleur, mais parce qu’il sera le moins pire candidat de gauche.

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