Par Alexandre Devecchio
Mis à jour le 02/06/2016 à 15:09
Publié le 02/06/2016 à 11:28
FIGAROVOX/ENTRETIEN - La langue arabe pourra être choisie, comme l'anglais, l'italien ou le turc comme langue vivante 1 dès le CP. Pour Jean-Paul Brighelli, l'Etat fera appel à des enseignants envoyés par les pays avec lesquels nous avons des conventions.
Jean-Paul Brighelli est enseignant à Marseille et essayiste. Spécialiste des questions d'éducation, il est ancien élève de l'Ecole normale supérieure de Saint- Cloud, et a enseigné les lettres modernes en lycée et à l'université. Il est l'auteur de La fabrique du crétin (2005, Jean-Claude Gawsewitch éditeur).
Son dernier livre, Voltaire ou le Jihad, le suicide de la culture occidentale, vient de paraître aux éditions de l'Archipel.
FIGAROVOX. - La langue arabe pourra être choisie comme langue vivante 1 dès le CP au même titre que l'anglais, le portugais, l'italien, l'espagnol, l'allemand, le turc ou le serbe par exemple. Que cela vous inspire-t-il?
Jean-Paul BRIGHELLI. - Il faudrait savoir: soit l'anglais est essentiel dans le monde économique contemporain, comme on nous le serine sans cesse, soit n'importe quelle langue est susceptible d'être enseignée concurremment au français — et sans doute faudrait-il enseigner d'abord le français, dont la disparition est programmée depuis vingt ans par les eurocrates béats et les pédagogues complices. Mais l'arabe ou le turc, enseignés aux tout-petits dans le cadre de l'ELCO, ne sont pas n'importe quelle langue, et elles ne sont pas enseignées par n'importe qui.
Depuis les années 1970, des accords bilatéraux nous lient aux pays d'origine, qui envoient leurs propres formateurs — et on imagine sans peine ce que sont aujourd'hui les formateurs expédiés
en France par les fondamentalistes algériens, qui co-gèrent le gouvernement de Bouteflika, ou par le sultan Erdogan, relais des islamistes et anti-démocrate qui emprisonne dans son pays les journalistes révélant ses liens avec des organisations terroristes.
Ce n'est plus de l'apprentissage linguistique ou culturel, c'est du bourrage de crâne.
«Si les professeurs ne sont pas en mesure de le faire, nous ferons appel à des professeurs étrangers comme pour d'autres langues», a déclaré Najat-Vallaud Belkacem. Quelles peuvent être les conséquences d'une telle mesure?
Des enseignants d'arabe littéraire, il y en a très peu — quatre postes à l'agrégation de la discipline cette année, et autant au CAPES: cela donne une idée de la demande actuelle.
On fera donc appel à des bonnes volontés (bonjour, les «grands frères!»), ou on titularisera les enseignants envoyés par les pays avec lesquels nous avons des conventions.
Enseigner l'arabe ou le turc dès les petites classes, et le faire enseigner par des gens qui ne seront pas passés par le filtre des concours républicains, c'est faire entrer le loup fondamentaliste dans notre bergerie laïque.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que les grands arabisants français, dont le renom est international, participent au prestige de notre pays?
Mais je suis à fond pour l'enseignement de l'arabe littéraire — celui que pratiquaient Antoine Galland, au début du XVIIIème siècle (premier traducteur des Mille et une nuits) ou Joseph-Charles Mardrus au début XXème (premier traducteur de l'intégralité du même roman).
Tout comme je suis un fervent admirateur de la grande culture arabe — celle d'Haroun al-Rachid (VIIIème siècle) ou celle d'Abd al-Rahman II (IXème siècle).
Celle de Malek Chebel, de Tahar Ben Jelloun ou de Kamel Daoud.
Pas celle de l'Etat islamique, qui est une anti-culture, comme je l'explique dans mon dernier livre, Voltaire ou le Jihad (éditions de l'Archipel).
Pas celle des salafistes, des fondamentalistes et de tous les fanatiques.
Nous avons en France une remarquable école de langues orientales, avec des universitaires tout à fait compétents — mais ce ne sont pas eux, ni leurs élèves, qui enseigneront aux enfants.
Ce qui se prépare sous couleur d'ouvrir le choix linguistique — au moment même où la réforme du collège détruit ce choix dès la Sixième, et barre l'accès à tout ce qui n'est pas anglais à des centaines de milliers de collégiens à la rentrée prochaine —, c'est la communautarisation du pays, l'éclatement en tribus antagonistes: on le voit bien avec les aberrantes déclarations de Benzema ou Debouzze sur le «racisme» supposé de Deschamps en particulier et du pays en général.
À terme, la guerre civile.
Voilà ce qui est en germe dans les décisions partisanes de Mme Vallaud-Belkacem, si nous n'y prenons garde.
«Si les professeurs ne sont pas en mesure de le faire, nous ferons appel à des professeurs étrangers comme pour d'autres langues», a déclaré Najat-Vallaud Belkacem. Quelles peuvent être les conséquences d'une telle mesure?
Des enseignants d'arabe littéraire, il y en a très peu — quatre postes à l'agrégation de la discipline cette année, et autant au CAPES: cela donne une idée de la demande actuelle.
On fera donc appel à des bonnes volontés (bonjour, les «grands frères!»), ou on titularisera les enseignants envoyés par les pays avec lesquels nous avons des conventions.
Enseigner l'arabe ou le turc dès les petites classes, et le faire enseigner par des gens qui ne seront pas passés par le filtre des concours républicains, c'est faire entrer le loup fondamentaliste dans notre bergerie laïque.
Que répondez-vous à ceux qui estiment que les grands arabisants français, dont le renom est international, participent au prestige de notre pays?
Mais je suis à fond pour l'enseignement de l'arabe littéraire — celui que pratiquaient Antoine Galland, au début du XVIIIème siècle (premier traducteur des Mille et une nuits) ou Joseph-Charles Mardrus au début XXème (premier traducteur de l'intégralité du même roman).
Tout comme je suis un fervent admirateur de la grande culture arabe — celle d'Haroun al-Rachid (VIIIème siècle) ou celle d'Abd al-Rahman II (IXème siècle).
Celle de Malek Chebel, de Tahar Ben Jelloun ou de Kamel Daoud.
Pas celle de l'Etat islamique, qui est une anti-culture, comme je l'explique dans mon dernier livre, Voltaire ou le Jihad (éditions de l'Archipel).
Pas celle des salafistes, des fondamentalistes et de tous les fanatiques.
Nous avons en France une remarquable école de langues orientales, avec des universitaires tout à fait compétents — mais ce ne sont pas eux, ni leurs élèves, qui enseigneront aux enfants.
Ce qui se prépare sous couleur d'ouvrir le choix linguistique — au moment même où la réforme du collège détruit ce choix dès la Sixième, et barre l'accès à tout ce qui n'est pas anglais à des centaines de milliers de collégiens à la rentrée prochaine —, c'est la communautarisation du pays, l'éclatement en tribus antagonistes: on le voit bien avec les aberrantes déclarations de Benzema ou Debouzze sur le «racisme» supposé de Deschamps en particulier et du pays en général.
À terme, la guerre civile.
Voilà ce qui est en germe dans les décisions partisanes de Mme Vallaud-Belkacem, si nous n'y prenons garde.
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