Darmanin fait au ministère de la Justice
ce qu'il savait le mieux faire à Beauvau : de la communication.
Depuis
sa nomination, il y a à peine une semaine, il enchaîne les opérations
(de com') de terrain et les interventions dans les médias : 20 Heures de
TF1, jeudi soir, et grand entretien au Parisien, ce week-end.
Rien de répréhensible ; c'est même ainsi que se gravissent les marches de notre cursus honorum.
Rien de surprenant, non plus, dans ses propos : Darmanin dit ce que le
public souhaite entendre. Mais comme il y a, dans la France fracturée de
2024, plusieurs publics correspondant à plusieurs peuples, Darmanin dit
des choses contradictoires, envoyant des cartes postales à chacun de
ces électorats. Cette triangulation démagogique, qui remonte à Sarkozy
et même à Chirac, est l'ADN du macronisme et Darmanin espère ainsi
rafler l'héritage de la firme qui, même déprécié, peut toujours, sur un
malentendu ou un barrage républicain, vous ouvrir les portes de
l'Élysée.
Ainsi, le parcours passé de Darmanin, venu de LR et passé par les
ministères des Comptes publics puis de l'Intérieur, lui a-t-il permis
d'avoir une certaine audience dans l'électorat macroniste de centre
droit. La Justice représentait pour lui une excellente occasion de polir
son image gaucho-compatible. C'est ce sillon qu'il creuse dans son
interview au Parisien. Ses modèles, comme garde des sceaux ? « Bien sûr, on pense tous à Robert Badinter, déclare-t-il. Mais
il y a aussi René Cassin. Il a été le ministre de la Justice du général
de Gaulle et il est parvenu à démontrer l’inconstitutionnalité du
régime de Vichy. Il a été le premier à souhaiter la citoyenneté des
Juifs et des musulmans en Algérie. Ce qui me touche dans mon histoire
personnelle. » Robert Badinter, Vichy et Moussa Darmanin. Trois
cartes abattues en deux lignes qui devraient permettre à Darmanin
d'éviter de figurer sur un mur des cons du Syndicat de la magistrature.
Et, accessoirement, de distancer une Borne et un Attal dans le futur leadership du parti macroniste.
Mais dans son « en même temps », Darmanin s'est emparé du dossier du
narcotrafic qui, de règlements de comptes marseillais en évasion
meurtrière de Mohamed Amra, commence à inquiéter sérieusement les
Français qui découvrent l'ampleur de la gangrène et de l'impuissance de l'État.
D'où toute une série de mesures concrètes qui, si elles sont
effectivement appliquées, sont évidemment positives. Jeudi, il a promis
d'organiser des opérations « place nette » dans les prisons, à
l'image de celles qu'il a lancées sur des points de deal dans les
grandes villes françaises.