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mardi 31 décembre 2024

Vitraux de Notre-Dame : 4 millions d’euros, le prix d’un caprice

Un des vitraux menacés, de Viollet-le-Duc. © Michel Hérold / Centre André Chastel (CNRS, Ministère de la Culture, Sorbonne Université), 2021 
 
 Un des vitraux menacés, de Viollet-le-Duc. © Michel Hérold / Centre André Chastel (CNRS, Ministère de la Culture, Sorbonne Université), 2021

 

 

Le remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc par des vitraux contemporains à Notre-Dame de Paris aura un coût et, vu le secret ménagé autour de l’addition par l’Élysée, le ministère de la Culture et le diocèse, ce coût relèverait-il du honteux ? 

 En octobre, Le Monde parlait d’une enveloppe de 3 millions d’euros. La Tribune de l’Art, de 4 millions, en se fiant à « une source bien informée du ministère de la Culture ». Aujourd’hui, tout le monde est d'accord sur le chiffre de 4 millions, que les autorités n'ont pas infirmé.

Montage obscur

Autour de cette somme, le montage demeure obscur. Stéphane Bern, qu’a interrogé Ouest-France, pense que ces 4 millions seront prélevés sur la manne offerte à la cathédrale par les donateurs après l’incendie. Il le regrette, car il reste encore des restaurations à faire (pinacles, arcs-boutants) : « L’argent serait mieux utilisé ainsi que dans des vitraux contemporains à la place de ceux de Viollet-Le-Duc. » Didier Rykner (La Tribune de l’Art) imagine le schéma usuel : création des nouveaux vitraux financés par le budget de la « création artistique » ; dépose et conservation des anciens vitraux payées par le budget des monuments historiques - « le ministère de la Culture financera entièrement cette lamentable opération », et ce, en plein contexte de restrictions budgétaires.


 

Pourquoi dissimuler au public, avec autant de soin que de gêne, le coût et le montage financier ? Parce qu’Emmanuel Macron, tout fier est-il de son « geste contemporain », piétine allègrement droit et conseil. Son « geste » va contre l’avis de la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture. Il va tout simplement… contre la loi. « On ne peut pas enlever des vitraux classés monument historique », explique Stéphane Bern. Et de donner cet exemple : « Sinon, je vais faire la même chose pour mon musée. Soyez sûr que la Direction régionale des affaires culturelles me mettrait une amende. »

Droit moral bafoué

Autre aspect du dossier dont Macron n’a pas à se glorifier : le droit moral, ou droit d’auteur. Si on bazarde les vitraux dessinés par Viollet-le-Duc pour les chapelles latérales sud de Notre-Dame de Paris, les artistes et les plasticiens de tout poil (de pinceau) pourront légitimement s’inquiéter du précédent créé.

En 2018, Daniel Buren avait demandé le retrait d’une œuvre de street art [art urbain, NDLR], exposée au Palais-Royal, pour « atteintes à l’intégrité » de ses colonnes à rayures, qui s’en trouvaient « dénaturées ». Le ministère de la Culture avait aussitôt retiré l’œuvre blessant la vue de M. Buren : « Nous sommes le ministère de la propriété intellectuelle et artistique, donc du droit moral des auteurs et [des] créateurs [...] il y a une question d’exemplarité. »

Les Tartuffe! C’est le même Buren qui a concouru pour remplacer les vitraux de Viollet-le-Duc, lequel n’a personne pour défendre sa création, et surtout pas le ministère de la Culture, qui organise ce remplacement au mépris de sa mission. L’artiste retenue, la peintre Claire Tabouret, a expliqué de son côté que son projet, retenu, intégrera des motifs des vitraux en place, « en hommage à Viollet-le-Duc ». Est-ce bien assez Tartuffe, aussi, cet « hommage » à l’artiste expulsé…

Vous avez dit État de droit ?

Déplorant « des querelles d’un autre âge » autour de cette question des vitraux, Rachida Dati a été renvoyée dans les cordes par Didier Rykner : « Les modernes, ce sont ceux qui protègent le patrimoine (et respectent la loi). Les anciens sont ceux qui pensent qu’on peut vandaliser le patrimoine pour y mettre sa marque. » On attend, maintenant, que l’association Sites & Monuments, qui se disait prête à un combat judiciaire, lance l’offensive. « Pourquoi l’État s’affranchit-il des règles qu’il impose aux autres ? s’indigne Stéphane Bern. Juste parce que le Président le veut ? »

 Contre un caprice à 4 millions d’euros, il est temps de rétablir le fameux État de droit.

 

 

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