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jeudi 16 novembre 2023

Ne pas payer son loyer ? Le ministère de la Justice à la rescousse



 

Marie Delarue 15 novembre 2023

Quand on ne couvre pas les maux du pays par les bruits de guerre et le réchauffement climatique, on nous rebat les oreilles du manque de logements. 

Les prévisions sont apocalyptiques : on estime qu’en 2030, il manquera en France au moins 4 millions de logements.

On a déjà évoqué ici les causes de ce qui va devenir « une bombe sociale » : d’une part l’aggravation, sous le pouvoir macronien, de mesures ineptes tant fiscales qu’administratives et environnementales ; d’autre part, en toile de fond, l’idée bien ancrée que tout propriétaire est un salaud de riche qui exploite un locataire forcément indigent.

Bien qu’une nouvelle loi dite « anti-squat » ait été votée le 27 juillet dernier, censée faire la vie dure aux squatteurs et autre mauvais payeurs, non seulement l’Etat persiste et signe, mais il l’affiche !

C’est une affiche, en effet, à en-tête du ministère de la Justice : un homme de type caucasien, chauve mais barbu, vous regarde droit dans les yeux. En titre : « Ma proprio veut m’expulser ». Sous la barbe poivre et sel, on lit : « Besoin de la justice ? Appelez, on vous dit quoi faire ». Il faut appeler le 3039, soit « un numéro gratuit et anonyme mis en place par le ministère de la Justice pour obtenir des informations et entrer en contact avec un professionnel près de chez vous. Numéro accessible aux personnes sourdes et malentendantes ».

Aurélien Véron, qui relaie l’info sur son compte X, en expose toute la philosophie : « Je ne paye plus le loyer, j’ai saccagé l’appart et j’emmerde le proprio qui s’est endetté pour cet investissement en vue de sa retraite. La Justice m’aide. Avec votre pognon. » Fort bien résumé. Car la loi du 27 juillet censée « renforcer les droits des propriétaires » n’a d’effets qu’à la marge.



Ainsi, face à un locataire qui ne paye pas, le bailleur peut désormais saisir directement l’huissier pour faire délivrer un commandement à payer, et le locataire ne dispose plus que de 6 semaines au lieu de 2 mois pour y répondre et « proposer un remboursement de la dette ». On a aussi raccourci « le délai de grâce renouvelable »(sic) qui, de 3 mois minimum à 3 ans maximum, passe à 1 mois minimum et 1 an maximum. Tout est à l’avenant. Super, non ?

Les exemples vécus étant d’un autre pouvoir, voici un cas concret. Monsieur M. casse son assurance vie pour acheter un petit studio qu’il rénove et met en location meublée afin de compléter sa retraite. L’agence trouve un gentil jeune homme de 27 ans, serveur en CDI dans le plus gros restaurant de la ville. Son patron, qui tient sans doute à le garder, lui paie la caution d’entrée dans les lieux. Mais le jeune homme, depuis son emménagement en avril 2023, n’a jamais payé son loyer. Pas une fois. Relances, huissier… rien n’y a fait. Une procédure d’expulsion est lancée, l’audience est fixée en janvier prochain. Même s’il fait ici 24° le 15 novembre, la trêve hivernale le protègera jusqu’en mars, et puis il implorera sans doute le fameux « délai de grâce ».

Le plus inouï est que le bailleur a reçu un courrier du département lui demandant de se justifier pour la procédure engagée. C’est à lui qu’on pose des questions : avez-vous un crédit en cours ? Quel est l’impact de cet impayé sur votre situation personnelle, sous-entendu : est-ce que cela vous pose vraiment un problème ?

Avec un peu de chance, Monsieur M. récupèrera son logement au printemps, peut-être à l’été, ou peut-être pas du tout. Il aura perdu le bénéfice des loyers, payé les charges, sera contraint sans doute à des travaux car, s’il le récupère, dans quel état sera ce logement ?

Une seule chose est sûre : Monsieur M. ne renouvellera jamais l’expérience. S’il le peut, il revendra son bien, se souvenant que lorsqu’il l’a visité la première fois, un avis d’huissier était déjà apposé sur la porte : le locataire précédent avait été expulsé pour impayés…

 

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