Rarement un coup de feu tiré à bout portant sur une personnalité politique et journalistique aura fait si peu de bruit.
L’attentat perpétré le 9 novembre dans un quartier chic de Madrid contre l’ancien leader du parti de droite espagnole Vox, Alejo Vidal-Quadras, 78 ans, a laissé les médias français de marbre.
Pas une trace du nom de la victime sur le site de Radio France, pas davantage sur celui de France Télévisions. Quelques titres de presse écrite seulement se sont intéressés à cet événement peu ordinaire, qui rappelle l’assassinat de Pim Fortuyn, le leader de l’extrême droite néerlandaise, en 2002. À cette différence de taille que les jours de Alejo Vidal-Quadras ne sont pas en danger, selon la presse.
Maxillaire brisé
La victime est pourtant une personnalité très connue, en Espagne. Selon le quotidien El País, repris par Courrier international, « deux individus circulant sur une moto noire » seraient impliqués. Le passager arrière serait descendu pour tirer à bout portant sur le leader politique, « à une distance d’environ deux mètres », avant de s’enfuir à moto. Vidal-Quadras a le maxillaire brisé mais il n'aurait pas perdu conscience.
Rien, a priori, ne laissait présager cet épisode rare dans la vie démocratique occidentale. Ce physicien de formation, professeur d’université, a démarré une carrière politique en 1988 en se faisant élire député au parlement de Catalogne sur la circonscription de Barcelone. Il devient, dans la foulée, président du Parti populaire catalan, franchit les portes du Sénat en 1995 et devient député européen en 1999 sous l’étiquette du Parti populaire (centre droit). C’est cette personnalité qui démissionne du Parti populaire pour fonder Vox en 2014, prenant aussitôt sa présidence.
Il a désormais abandonné toute fonction à Vox mais signe toujours dans la presse et reste emblématique d’un courant d’idée patriote, arc-bouté sur l’unité nationale et opposé à l’immigration. Les Espagnols connaissent la voix particulière de cet homme intellectuellement brillant auquel il manque une corde vocale. Opposé au droit à l’avortement comme à la reconnaissance du mariage homosexuel, il est surtout la principale figure d’opposition au nationalisme catalan très actif actuellement. Pas de quoi rassurer les leaders de la droite en Europe qui constatent ce qu’il en coûte de défendre l’unité de sa patrie.La piste iranienne
Mais il faut rester prudent, apparemment, sur l’interprétation de cet acte. Cet attentat - c’est bien de cela qu’il s’agit - s’inscrit dans un contexte très tendu en Espagne : le pays joue son unité nationale. Le pouvoir socialiste de Sanchez s’apprête à tendre la main aux indépendantistes catalans. Le Parti populaire organise une grande manifestation d’opposition, ce dimanche, à Madrid. La crise politique est profonde. Elle pourrait d’ailleurs gagner la France. « Le leader des indépendantistes catalans est un grand ami de l’autonomiste corse Gilles Simeoni qui le soutient depuis six ans, précise le journaliste espagnol José Maria Ballester, joint par BV. La contagion pourrait prendre rapidement. »
Pour autant, Vidal-Quadras a d’autres particularités qui ont pu lui attirer des inimitiés : cet homme qui a la réputation d’avoir un gros train de vie est très proche de l’opposition au pouvoir iranien. Il participe régulièrement à ses colloques. Lui-même a désigné de son lit d’hôpital la main de l’Iran derrière cet attentat. « La méthode est typique des tueurs à gage iraniens », avance Ballester. L’enquête n’a évidemment pas encore abouti. Vidal-Quadras est aussi membre du mouvement Amis européens d’Israël, un groupe visant à défendre les intérêts d’Israël au sein de l'Union européenne, ce qui, dans le contexte actuel, peut attiser des haines.
L’enquête dira peut-être quels sont les auteurs et les commanditaires des coups de feu. Reste qu’un ancien leader politique de droite a pris une balle en pleine tête dans la vieille Europe sans que les médias occidentaux ne se penchent massivement sur l'affaire.
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