Sous prétexte d’obtenir des avantages catégoriels, 3.500 contrôleurs de la SNCF gâchent le Noël de centaines de milliers de Français. Pourtant, les cheminots sont-ils vraiment à plaindre ?
À défaut de fête, les Français auront les boules. Le 17 décembre, déjà, un « mouvement social » des aiguilleurs avait compliqué les départs en vacances.
Cette fois, en déclenchant une autre grève, un « collectif » rassemblant un peu plus d’un tiers des 9.000 contrôleurs de train va empêcher 200.000 de nos concitoyens de partir fêter Noël avec leurs proches. Prétexte de ce débrayage : un mélange de revendications sur les salaires et sur le déroulé des carrières, que résume cette déclaration du secrétaire général de la CFDT Cheminots, Thomas Clavel : « On attend une prise de conscience sur la condition spécifique des contrôleurs. » On en attendrait une aussi sur la condition spécifique des voyageurs...
Le salaire des contrôleurs n’est pas mirifique, mais pas misérable non plus : après 22 ans de métier, soit la moitié de leur parcours professionnels, ils perçoivent une rémunération fixe de 1.864 euros bruts, auxquels s’ajoutent environ 600 euros de primes, selon la SNCF – soit un total un peu supérieur au salaire médian en France. Par ailleurs, ils bénéficient de la sécurité de l’emploi, voyagent en train gratuitement ou à prix très réduit ainsi que leurs proches (ce qui n’est pas neutre, quand on voit les prix actuels)… et, surtout, lorsqu’ils prennent leur retraite, profitent du très confortable régime spécial de la SNCF.
Très comparable à celui de la fonction publique, il présente trois gros avantages pour ses affiliés : premièrement, un mode de calcul de la pension très favorable, basé sur les six derniers mois de salaire, en y incluant une grande partie des primes, gratifications et indemnités (pour mémoire, la pension des salariés du secteur privé est calculée sur les 25 meilleures années, dans la limite de 1.714 euros bruts par mois dans le régime de base, et sur l’ensemble de la carrière dans le régime complémentaire Agirc-Arrco).
Deuxièmement, le montant de la pension est garanti (au minimum 75 % du dernier salaire pour une carrière complète). Troisièmement, les cheminots ont la possibilité partir à la retraite dès 52 ans ou 57 ans, selon qu’ils font partie du personnel roulant ou sédentaire. Selon la SNCF, en 2018, le personnel roulant, auquel appartiennent les contrôleurs, liquidait ses droits à la retraite à 53 ans et 7 mois en moyenne.
D’autres avantages s’ajoutent à ceux-là, en matière de majorations familiales ou de réversion notamment.
Structurellement déficitaire, le régime spécial n’est pas financé par les cheminots, ni par le système de double cotisation assez opaque mis en place par l’entreprise publique, mais principalement par le contribuable, notamment à travers une subvention annuelle (3,3 milliards d’euros en 2022).
Le gouvernement se targue aujourd’hui de l’avoir « fermé » : en effet, les nouveaux cheminots recrutés depuis le 1er janvier 2020 ne sont plus sous « statut » et sont affiliés aux régimes des salariés du privé, CNAV et Agirc-Arrco. En réalité, le régime spécial, devenu « caisse de branche », continue de gérer non seulement les retraites des « anciens » embauchés par l’entreprise avant 2020, mais aussi les petits nouveaux – ce qui laisse craindre fortement que cette « fermeture » ne soit qu’un trompe-l’œil et n’aboutisse qu’à financer la caisse de retraite de la SNCF et ses avantages via une soulte de plus en plus importante versée par les régimes des salariés du privé (52 millions d’euros en 2022, selon la Commission des comptes de la Sécurité sociale). Un vrai cadeau de Noël !
Quant aux cadres dirigeants de la SNCF, ils ont accès à un régime interne d’entreprise dont le contenu n’est pas publié – mais que le Premier ministre Élisabeth Borne doit bien connaître, en tant qu’ancienne directrice de la stratégie de cette entreprise publique…
On gardera nos plaintes pour d'autres Français.
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