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vendredi 23 décembre 2022

Briefing : comment les contrôleurs de la SNCF profitent de l’impuissance du pouvoir pour racketter les Français



23 décembre 2022

L'information du jour est un condensé du mal français : la grève des contrôleurs à la SNCF pour Noël prend progressivement des proportions démesurées.
 
 D'un côté, le pouvoir vitupère contre ceux qui gâchent la fête. De l'autre côté, pour calmer la tempête, la direction lâche du lest... alors même qu'elle devrait perdre 100 millions € du fait des grèves. Ou comment l'impuissance du pouvoir à régler fait le bonheur des uns et le malheur des autres.
 
 
 

Après deux années de restrictions dans les déplacements imposées par le COVID, un collectif inconnu de contrôleurs de la SNCF impose une année supplémentaire de difficultés pour les familles qui dépendent du train pour se déplacer… Un tiers des TGV sera supprimé ce week-end, provoquant des tensions majeures… que le pouvoir se contente d’entretenir, incapable d’assurer la continuité du service public.

Un syndicat de 3.500 contrôleurs bloque la SNCF

L’histoire est donc assez simple : l’ASCT est un collectif de 3.500 contrôleurs de la SNCF qui réclame une meilleure reconnaissance du métier et, pour y parvenir, entame son deuxième mouvement de grève dans le mois. Le premier avait eu lieu début décembre. Le second a lieu à Noël.

Ce collectif revendique une amélioration de ses conditions de travail, dans un langage qui laisse rêveur sur le poids du corporatisme et de l’égoïsme en France :

Nous passons une dizaine de nuits par mois en déplacement à travers la France“, témoigne-t-il, évoquant des journées de travail qui peuvent atteindre “jusqu’à 10h ou 11h” d’amplitude horaire. Selon lui, les contrôleurs se retrouvent “de plus en plus” seuls à bord, dans des TGV “qui peuvent comporter jusqu’à 600 clients“, alors qu’ils doivent être deux. “Les nouvelles rames, les TGVM, accueilleront encore plus de voyageurs dans quelques années mais nous serons toujours deux pour accompagner les clients” (…)

Nous demandons à avoir une carrière qui soit à la hauteur de notre engagement et de nos responsabilités dans l’entreprise et là-dessus, l’entreprise n’a pas répondu à nos attentes

Travailler moins, gagner plus… On connaît la musique, qui profite ici du monopole du rail pour racketter les clients. 

La SNCF lâche du lest

Pour tenter de calmer le jeu et d’éviter un désastre qui coûterait, dit-on, 100 millions € à l’entreprise, la direction a proposé une prime de 600€ bruts par an, et 160 recrutements nouveaux dès 2023. C’est l’effet “face je gagne, pile tu perds” des mouvements sociaux dans les entreprises publiques. Il suffit d’annoncer un mouvement social quelques jours avant un moment critique pour être sûr d’en retirer ne serait-ce qu’un petit bénéfice.

Heureux soient les monopoles !

Le mouvement ASCT, qui est bien décidé à obtenir une revalorisation globale des carrières, juge ces propositions insuffisantes. Et la grève continue. 

Ou comment traire la vache à lait jusqu’à la dernière goutte.

L’impuissance de Macron et des siens face aux mouvements sociaux

Pour le pouvoir, ce mouvement social prend une importance assez inattendue. Les stratégies de confinement ont en effet “gâché les fêtes” deux années de suite. Et ce sont maintenant les personnels des entreprises publiques qui prennent le relais pour obtenir des avantages catégoriels au détriment de la libre circulation des Français. 

Cet épisode est d’autant plus fâcheux que, pour promouvoir les baisses dans la consommation d’énergie, le pouvoir vante les mérites des transports en commun… alors même qu’Emmanuel Macron a effectué deux allers-retours pour le Qatar aux frais du contribuable pour aller voir des matchs de football. Le pouvoir voudrait ne pas montrer l’exemple, Macron voudrait suggérer qu’il existe une France à deux vitesses, qu’il ne s’y prendrait pas autrement. 

Donc, le Président a dit tout le mal qu’il pensait de ce mouvement, abondamment et complaisamment relayé par le cartel des médias subventionnés. 

« Il n’est pas tolérable que quelques centaines de personnes bloquent le pays et gâchent les fêtes des Français après deux années de Covid »

De son côté, Bruno Le Maire a embrayé en mode autoritaire :

« Ce que nous attendons de la direction de la SNCF aujourd’hui, c’est qu’elle trouve une solution dans les prochaines heures, je dis bien dans les prochaines heures. C’est ça la responsabilité de la direction de la SNCF, elle a le soutien de l’État, elle doit trouver les voies et moyens de sortir de ce conflit. »

Voilà donc un gouvernement réduit au rôle de commentateur de l’actualité sociale, au rôle de moraliste, de commandeur, mais qui montre sa totale impuissance à régler un problème pourtant connu depuis le début du mois de décembre. Dans la société du spectacle, le pouvoir glose mais n’agit pas.

Et si le monde d’après avait commencé

Dans les allées du pouvoir, beaucoup craignent qu’une trame désagréable ne se mette dès maintenant en place, celle d’un monde d’après conflictuel où il faudrait “composer” avec des forces adverses, et particulièrement des forces syndicales. La montée de l’inflation, la perspective d’une année économique difficile ne font que nourrir ces angoisses d’un pouvoir qui craint la contestation grandissante. 

Cette peur est particulièrement forte à l’approche d’une promesse de réformer les retraites qui s’annonce comme tout sauf populaire. Et si Macron avait mangé tout son pain blanc ? Et si les années qui arrivent étaient des années difficiles ?

Éric Verhaeghe

2 commentaires:

  1. J'aime bien Eric pour certaines de ses analyse, mais bon, il rode dans la finance tout de même.
    Le recrutement est ouvert, si c'est aussi bien que ça, va postuler Eric, tu pourras connaitre le charme des foyers de roulants...et voir comment on vit avec un salaire d'ouvrier.

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  2. Quand le cheminots se serrent les coudes, c'est du corporatisme.
    Quand les toubibs ou les journalistes se serrent les coudes, c'et de la confraternité.

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