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dimanche 25 décembre 2022

Faute de lettre au père Noël, le courrier d’une justiciable au Président Macron


 

 Marie Delarue 24 décembre 2022

Monsieur le Président,
Cher Monsieur Macron,

Je m’adresse à vous en ces derniers jours de l’Avent parce que je forme un vœu : qu’ils soient ceux de « l’avant ». L’avant de la renaissance, donnant tout son sens à cette fête.

Vous semblez aujourd’hui, comme le père Noël, disposé aux cadeaux (retour des visas en nombre pour les Marocains, puis pour les Algériens…), alors oui, j’espère un geste de votre part. Et comme je ne veux pas trop demander, je vais me contenter pour l’instant de la justice, et tout particulièrement celle qu’on doit aux victimes.

Certes, il n’est pas élégant de parler de soi, mais si je déroge à la règle, c’est parce que les exemples vivants sont d’un autre pouvoir, comme disait votre ami Corneille.

Voilà donc ma petite histoire, l’une des plus ordinaires dans la actuelle, aussi bien elle vous dira comme il en va pour les justiciables de ce pays. Depuis bientôt six ans qu’elle dure, j’en ai déjà rapporté quelques étapes à nos lecteurs et je vais les résumer pour vous.

Victime d’un vol avec dans une rue de Paris, un soir de février 2017, j’ai laissé sur un trottoir mon sang, mon coude gauche, mon genou droit, un peu de mon crâne, quelques milliers d’euros de matériel et tout ce qu’il me restait d’illusions.

Je vous épargne le récit des heures passées à l’hôpital, les convocations à la médecine légale, celles de la police judiciaire… Une descente était prévue dans la cité du XXe où mon jeune agresseur était repéré, un juge d’instruction devait être nommé, on me tiendrait au courant sans tarder.

Quatre années ont passé. Sans nouvelles. J’ai quitté un Paris que je ne supportais plus pour le soleil, et puis un jour, mon téléphone a sonné. C’était une avocate commise d’office qui m’avisait du passage de mon agresseur devant le tribunal pour enfants, une semaine plus tard, le 5 mai 2021. « Voulez-vous vous porter partie civile ? » Pas le temps de s’étonner : il fallait envoyer dare-dare le dossier.

Le juge avait un rhume, ou le Covid. Bref, pas de procès. Ce serait sans doute pour l’automne suivant.

Arrive le 26 octobre. Nouvelle avocate « au service des victimes », nouveau dialogue surréaliste (voir mon papier du 28 octobre 2021).

Pour vous résumer la chose, on m’apprend qu’en raison d’un texte passé en catimini au creux de l’été, je devrai, moi la victime, débourser 360 euros pour couvrir les frais de ladite avocate. Pour obtenir une indemnisation à la hauteur du préjudice subi. « Il faut que vous preniez un avocat et ce sera à vos frais. On peut aussi demander 1 euro symbolique mais ça n’aurait guère de portée pédagogique (sic), or il faudrait quand même que ce jeune ait une sanction », me dit-elle.

L’agresseur, mineur au moment des faits et devenu depuis majeur, est passé malgré tout devant le tribunal pour enfants. Tous ses frais pris en charge, bien sûr. Le procès a eu lieu le 8 novembre 2021.

J’ai reçu, le lendemain de l’audience, un mail de l’avocate que je vous communique ci-après :

« Chère Madame,

Le mineur mis en cause dans le dossier a été condamné à quatre mois de prison avec sursis, mise à l’épreuve sur le plan pénal. L’une des obligations de la mise à l’épreuve est d’indemniser les victimes. Il est possible que le juge de l’application des peines prenne contact avec vous à ce titre. Sur le plan civil, solidairement et in solidum avec ses parents à vous payer la somme de 2.013 € au titre du préjudice matériel et 1.500 € au titre du préjudice moral.

Vous recevrez la décision directement, en principe, et vous pourrez ensuite demander au SARVI de vous indemniser d’une partie des condamnations prononcées.

Vous pouvez de votre côté, munie de la décision, engager des poursuites en recouvrement contre ce jeune qui est maintenant majeur et qui travaille en CDI. Je tiens à votre disposition la copie de sa fiche de paye. »

« Il est possible que »« En principe »… Alors sachez, Monsieur le Président, qu’en ce jour de où je vous écris, je n’ai toujours rien reçu de la française. Treize mois et quinze jours après le jugement, la décision du tribunal n’est toujours pas arrivée jusqu’à moi.

Ne soyez pas étonné, alors, que des Français – comme des affaires récentes l’ont hélas montré – soient tentés de faire eux-mêmes.

Joyeux tout de même !

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