Le Kosovo et Métochie – province serbe sous occupation étrangère pour les uns, État indépendant autoproclamé pour les autres – a vu un regain de tensions interethniques ces derniers mois qui fait craindre un nouveau conflit armé en sol européen.
Pour tenter d’y voir clair, nous revenons sur l’histoire d’un peuplement atypique, résultant de déplacements artificiels de populations et d’ingérences étrangères.
Des déplacements artificiels de populationsPeuplée exclusivement de Serbes avant le XIVe siècle, la région a connu un tournant décisif avec et la défaite de Kosovo Polje en 1389 (1) et l’invasion ottomane qui lui succède. Dans le but de soumettre la région, les vainqueurs turcs envoient des Albanais – les voisins non-slaves fraîchement conquis et convertis à l’Islam – peupler le Kosovo. De cette implantation stratégique, qui ne débute vraiment qu’au XVIIe siècle, s’explique la présence albanaise en Serbie.
Deux siècles plus tard, ces derniers ne représentent cependant encore qu’un tiers de la population locale. C’est très récemment, au cours du XXe siècle, que les Albanais deviennent majoritaires, du fait de trois facteurs : la natalité plus élevée des musulmans albanais ; les déplacements massifs de population voulus par le dictateur Tito, soucieux de briser l’homogénéité ethnique des différents peuples yougoslaves ; l’immigration clandestine d’Albanais fuyant le régime communiste d’Enver Hoxha ou attirés par la région plus riche.
Si la présence albanaise au Kosovo remonte donc au Moyen-Age (ils sont 2% de la population, à l’arrivée de l’Empire ottoman2), il aura fallu moins de 70 ans pour qu’ils y deviennent démographiquement majoritaires.
En considérant les peuples comme des pions sans attaches, sans culture enracinée et en voulant nier leurs différences, on a créé la fameuse poudrière balkanique : une mosaïque de populations et de religions sur un espace géographiquement restreint, en proie à une instabilité chronique. En un siècle, une multitude de conflits se succèdent : deux guerres balkaniques, deux guerres mondiales, une guerre yougoslave.
À la dissolution de la Yougoslavie, cette dernière ayant étouffé les particularismes d’une main de fer, les passions nationalistes se déchaînent et débouchent sur des massacres intercommunautaires, commis dans tous les camps. (Ce que masque la propagande occidentale, focalisée sur les seules exactions slaves, diabolisant les Serbes pour servir ses intérêts.)
En 1999, l’OTAN bombarde pendant deux mois la Serbie pour la forcer à reconnaître la demande d’indépendance du Kosovo de la part des Kosovars d’ethnie albanaise.
La population serbe qui y vit encore, réduite à une peau de chagrin, subit depuis une politique de purification ethnique. Entre 200.000 et 300.000 Serbes ont dû abandonner leurs terres. En 2004, des pogroms chassent les autochtones de leur maison. Des Albanais s’y installent et les occupent abusivement (3) encore aujourd’hui. Cette chasse au Serbe se produit devant 20.000 soldats des forces militaires internationales. Pendant que des églises et des monastères sont détruits (la région compte la plus grande concentration de sites sacrés chrétiens des Balkans), 800 mosquées sont peu à peu érigées grâce à la générosité financière de l’Arabie Saoudite ou de la Turquie (4).Les Serbes autochtones sont majoritaires dans le nord du Kosovo ; au sud du fleuve Ibar, ils survivent dans des enclaves, véritables prisons à ciel ouvert. Exclus de la vie sociale, économique et politique du nouvel État, ils sont l’objet de persécutions récurrentes.
Autoproclamée le 17 février 2008, l’indépendance du Kosovo aggrave encore leur sort. Cette dernière s’inscrit dans la stratégie américaine d’encerclement de la Russie par la mise en place de régimes pro-américains dans sa sphère d’influence. Le nouvel État du Kosovo, musulman, notoirement narcotrafiquant et gangrené de corruption est ainsi source de divisions et d’instabilité au sein de l’Europe, l’objectif de Washington étant d’empêcher l’émergence d’une puissance européenne qui viendrait contester son hégémonie mondiale.
Plus de la moitié des pays du monde ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo (5).
À aujourd’hui, les Serbes du Kosovo et Métochie représentent 5 à 7 % de la population (environ 120 000 personnes) sur 1,8 million d’habitants.
Kosovo, Berceau de la SerbieSi l’autodétermination des peuples est une revendication absolument légitime, il n’en faut pas oublier pour autant que les nations ne peuvent être une simple construction, ou obéir aux intérêts de pays tiers : elles sont le fruit d’une histoire, de la sueur et du sang versé pour mettre en valeur un territoire.
C’est au Kosovo que la nation des Serbes est née. Ce sont eux qui en baptisèrent les fleuves, les montagnes et les villages, le nom même de la plaine est composé de mots serbes : Kosovo (« champ des merles ») et Metohija (« terre des monastères »). Ils n’ont, par contre, aucune signification en albanais. Pas que les Albanais n’aient pas d’histoire ou de pays. Ils en ont un qui se nomme Albanie et qui se trouve plus au Sud.
Mais tout concorde pour faire du Kosovo et Métochie la terre sacrée des Serbes : là se trouvent les tombes des premiers rois, là se trouvent les premières traces d’alphabet cyrillique, là se trouvent les principaux témoignages du passé historique de la Serbie. Là se trouve le siège de l’Église et du patriarcat serbe orthodoxe, un patrimoine religieux et architectural d’une incroyable richesse… et d’une portée politique fondamentale, puisqu’ historiquement, le patriarcat orthodoxe est le garant de l’identité serbe.
Les monastères sont bien plus que des lieux de culte : ils sont le refuge instinctif de la population en cas de danger, le poste de travail de nombreux habitants des enclaves, l’autorité et la représentation d’un peuple séparé de ses institutions. Les prêtres et les moines sont en étroit contact avec la population.
Malgré les ingérences des diverses forces et empires qui ont tenté d’imposer leurs vues dans cette partie du monde – Ottomans, Austro-Hongrois, communistes Yougoslaves, Albanais et Américains -, les Serbes du Kosovo et Métochie ont su maintenir vivante leur identité à travers les siècles.
Réduits à une peau de chagrin, ignorés de la communauté internationale, ils ne veulent pourtant pas abandonner leur terre à laquelle ils sont si viscéralement liés, et résistent tant bien que mal. Mais pour combien de temps encore y parviendront-ils ?
Audrey D’Aguanno
1. La bataille de Kosovo Polje a opposé, en 1389, 12.000 guerriers
serbes à 50.000 soldats de l’armée ottomane. La défaite serbe marqua le
début de la conquête turque des Balkans.
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Les chartes monastiques et les recensements ottomans, très précis à ce sujet, concordent.
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Les archives ayant été brûlées et avec elles les cadastres, il est impossible pour les Serbes de prouver la propriété de leur demeure. Les plaintes devraient de toute façon être portées auprès de l’administration ou de la police kosovare… entièrement composées de Kosovars d’ethnie albanaise.
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L’islam albanais, d’origine hanafite est un islam modéré. Mais une OPA des salafites entend radicaliser les musulmans de Bosnie, du Kosovo. https://www.lexpress.fr/monde/europe/comment-le-salafisme-d-arabie-saoudite-gangrene-l-islam-des-balkans_1911343.html
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L’indépendance du Kosovo n’est reconnue ni par l’ONU, ni par l’Union européenne. Depuis 2017, 16 États sont revenus sur leur décision de reconnaissance.
Crédit photo : DR
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