Emmanuel Macron va donc parler mardi soir. Avec un taux d’incidence en hausse, il lui sera facile de justifier la prolongation du passe sanitaire.
Le fera-t-il ? En tous cas, la seule annonce de son allocution a déjà fait bondir les inscriptions pour la troisième dose. Pourtant, alors qu’il n’y a nul embouteillage aux urgences ou en réanimation, ce qui frappe, c’est la situation tendue, voire parfois franchement inquiétante, dans certains services hospitaliers ou paramédicaux, du fait du manque de personnel. Dans un reportage choc de BFM, il y a quinze jours, Pierre Amarenco, chef du service neurologie à l’hôpital Bichat, ouvrait les portes de chambres vides et d’une salle pleine de matériel, mais sans patient. Le personnel manquait pour faire tourner le service. Depuis, les informations alarmantes se multiplient.
Ainsi, samedi, la presse a relayé la fermeture des urgences, la nuit, à Draguignan (Var), faute de médecins en nombre suffisant, ce qui oblige la population – 100.000 habitants concernés – à faire plusieurs dizaines de kilomètres supplémentaires. Un médecin urgentiste cité par 20minutes a expliqué les raisons de la fermeture : « Nous travaillons 100 heures par semaine depuis plus de six mois. Déjà, quand il y avait des intérimaires, on était au taquet, mais maintenant qu’il n’y en a plus, c’est un taquet qui est dépassé car on ne peut pas faire plus, physiquement et même légalement. » Le journal précise que « le service d’urgences, qui accueillait entre 100 et 150 personnes avant sa fermeture la nuit, tourne actuellement avec 6 médecins alors qu’une vingtaine seraient nécessaires ». La direction incrimine « une démographie médicale particulièrement défavorable ». En effet, on sait bien qu’il y a de moins en moins de médecins pour une population âgée en augmentation*. Mais qui est responsable des nécessaires ajustements de recrutement rendus indispensables par ces données démographiques connues ?
En cette fin de semaine, on apprenait aussi que l’hôpital Saint-André, à Bordeaux, connaissait une certaine désorganisation à cause d’un cluster interne de cas de Covid impliquant 16 soignants et 9 patients. Tous étaient pourtant vaccinés…
La direction du CHU était obligée de reconnaître que cela l’amenait « à des fermetures de lits qui font cruellement défaut dans un contexte où nos hôpitaux girondins sont très sollicités avec les pathologies hivernales qui commencent, le Covid qui continue et qui reprend (84 hospitalisations en Gironde plus 28 en réanimation) », rapporte France 3 Nouvelle-Aquitaine. Elle ajoutait que d’autres lits étaient fermés « parce qu’on est en vacances scolaires, parce qu’on a des postes vacants ». « En général, poursuit-elle, au mois de septembre, on reconstitue les équipes et là, nous n’avons pas pu le faire en Gironde […] Mais c’est un phénomène national. On a près de 300 lits hospitaliers fermés en Gironde, aujourd’hui. » Ce dimanche, dans Sud-Ouest, le directeur de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine parlait de « situation crispée » et reconnaissait qu’« il existe de la tension sur les lits, dans toute la région ».Un cercle vicieux s’est engagé dans les recrutements à l’hôpital. Il était évidemment prévisible. Était-il donc nécessaire et judicieux de se priver, en plus, des soignants non vaccinés qui ont été écartés d’autorité par le gouvernement ? À l’heure où il est avéré que des clusters peuvent surgir chez les soignants vaccinés, comme celui de Saint-André, ne serait-il pas salutaire de revenir sur cette décision et d’arrêter de se priver ainsi de compétences indispensables ?
Mais il y a pire : à tous ces services hospitaliers désorganisés par des impérities de gouvernance et de recrutement s’ajoute la situation inquiétante de bien des foyers d’accueil médicalisés pour personnes handicapées. Le Monde a eu la bonne idée de se rendre dans l’un d’eux, à Lormont, en banlieue bordelaise. Le constat est dramatique, partagé par la direction, les personnels épuisés et les familles, très inquiètes : « hémorragie de personnel », « manque d’effectif alarmant », personnels « à bout de souffle ». Les chiffres du reportage sont éloquents : « L’effondrement est palpable : l’équipe soignante et d’éducateurs est passée, en moins d’un an, de 10 à 2 titulaires chargés des résidents. » Avec des conséquences dramatiques pour les pensionnaires, et des situations qui frôlent la maltraitance : « Quelques-uns de nos résidents n’ont pas pu être nourris pendant plus d’une journée. Ils avaient besoin d’une sonde et on n’avait pas d’infirmière pour s’en occuper. » Cela se passe en France, en 2021, sous Emmanuel Macron.
La faute à qui ? Le directeur de la structure n’hésite pas : le Ségur de la santé, dont Olivier Véran et Gabriel Attal nous vantent les mérites soir et matin, a été mal pensé et produit des effets pervers. « En attribuant 183 euros d’augmentation aux seuls employés des EHPAD et des hôpitaux, explique-t-il au Monde, on a créé de la concurrence. Nos infirmières, nos aides-soignantes qui touchent à peine le SMIC préfèrent les rejoindre, et c’est bien normal. »
Des réalités, des chiffres et des paroles à garder à l’esprit. Mardi soir, par exemple.
* « Alors que la population augmente et vieillit, l’Atlas de la démographie médicale française 2011 (5e édition) du CNOM (Conseil national de l’ordre des médecins) confirme un écart croissant entre le taux de médecins nouvellement inscrits (+2,5 % en un an, soit 5.392 médecins/an) et le taux de départ (+11,2 % en un an, soit 4.310 médecins) » (sources : Wikipédia).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Ici, les commentaires sont libres.
Libres ne veut pas dire insultants, injurieux, diffamatoires.
À chacun de s’appliquer cette règle qui fera la richesse et l’intérêt de nos débats.
Les commentaires injurieux seront supprimés par le modérateur.
Merci d’avance.