Philippe Payri, secrétaire de la zone sud pour la Fédération professionnelle indépendante de la police, explique les dessous des consignes de tolérance données par certaines préfectures aux policiers vis-à-vis des musulmans s’affranchissant du couvre-feu.
Les policiers ont-ils reçu des instructions particulières pour le mois de ramadan ?
Oui, il est difficile de nier l’existence des mails que nous avons
reçus, et dont les policiers ont fait des captures d’écran et des photos
qu’ils nous ont transmises.
Que disent ces courriels ?
Ils demandent aux fonctionnaires de police
de faire preuve de modération, de discernement, de tolérance vis-à-vis
des musulmans qui se rendraient, pour la rupture du jeûne, dans leur famille ou à un office religieux, durant le couvre-feu. En particulier de 5h30 à 6h et de 19h à 22h.
Que signifie faire “preuve de tolérance” pour les forces de l’ordre ?
Pour moi, c’est de l’appel à ne pas contrôler, puisqu’en tant que
policier, je ne sais pas discerner un musulman d’un non musulman, si ce
n’est par exemple envoyant un intégriste barbu habillé en qamis. A moins
qu’on ne parte sur un contrôle au faciès.
Qui donne ces ordres ?
Les instructions émanent de la Préfecture, on a des remontées venant du Tarn, du Var et de la Gironde.
La préfecture du Tarn a démenti avoir donné ces instructions, est-ce un recul ?
Il est difficile de nier l’existence de ces instructions, et
excepté si les patrons d’Albi, de Castres sont des idiots ! Des mails
ont été envoyés avec des instructions. Nous sommes à présent dans un
rétropédalage politique.
Et c’est la première fois qu’une telle demande est effectuée ?
Par écrit, c’est inédit. C’est la première fois que l’on reçoit une
note de service nous demandant de ne pas contrôler une partie de la
population. Dans l’esprit c’est un peu moins inédit, nous avons déjà
reçu des instructions verbales de ne pas contrôler une certaine
catégorie de la population pour ne pas enflammer des quartiers dits
sensibles.
Comment ont réagi les policiers ?
Vu les retours que nous avons eus des fonctionnaires de police, on
ressent un certain malaise de leur part. Il se retrouvent confrontés à
un dilemme : chaque fonctionnaire de police a une exigence de justice et
de légalité, or on lui demande de faire deux poids deux mesures.
Comment un policier peut-il discerner un citoyen musulman d’un non
musulman ? Ils le vivent très mal.
À quoi ressemble un quartier sensible pendant le ramadan ?
Dans les quartiers, les populations sont particulièrement fébriles
durant cette période. Et le moindre contrôle est ressenti comme une
agression. Un individu contrôlé évoque souvent le fait qu’il fait le
ramadan pour ne pas être contrôlé, il nous dit que si on le contrôle
c’est parce qu’il est musulman et fait le ramadan. Tout peut basculer
très vite, un contrôle peut dégénérer en rébellion et, en caillassage,
en incendie de véhicules et en attaque de fonctionnaires.
Ces instructions sont-elles l’illustration d’un recul de l’État ?
La police manque de moyens et d’effectifs. Les préfets ne veulent
pas embraser un quartier, et à Albi par exemple, dans un quartier
sensible le commissariat n’est pas en mesure de répondre aux violences
urbaines, nous n’avons pas de compagnie d’intervention.
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