Il fut un temps où l’affaire Dreyfus divisait les familles. On se souvient du célèbre dessin de Caran d’Ache, Un dîner en famille.
On y voit une tablée fort convenable avec la mention « Surtout ! ne parlons pas de l’affaire Dreyfus ! » En dessous, les mêmes distribuant les coups dans une mêlée furieuse : « …Ils en ont parlé… »
Pourquoi l’affaire Dreyfus ? Parce qu’au train où vont les choses, nous en serons bientôt là à propos de la vaccination anti-Covid : des familles scindées entre les pro et les anti, où l’on ne prendra même plus le « risque » de se réunir autour de la table.
On se pose la question pour tâter le terrain : « Quand est-ce que tu te fais vacciner ? » Sans réponse rapide, le ton se fait plus pressant : « Mais tu vas le faire, quand même ? » Le temps passant et le prétexte de l’âge n’ayant plus cours, le tri commence à se faire : « On se verra quand tu seras vaccinée. » Bien, alors on risque de ne plus se voir…
Il est intéressant d’écouter les motifs. Ainsi ce monsieur, vacciné aux premières heures de l’AstraZeneca, qui m’expliquait l’autre jour vouloir absolument partir à Bali cet été, raison pour laquelle il s’était fait piquer et tempêtait contre « ces connards qui refusent ». À peu près aussi aimable, le médiatique Dr Jean-François Lemoine fustigeait, jeudi soir, dans l’émission d’Yves Calvi (« L’Info du vrai », sur Canal+), « les infâmes (sic) qui ne veulent pas se vacciner ».
Qu’importent les arguments, il faut se VAC-CI-NER et toute personne qui, en pleine santé, hésite ou préfère laisser sa nature faire le boulot est automatiquement rangée dans la catégorie « complotiste anti-vaccin ».
Ainsi en va-t-il des très nombreux tweetos qui, depuis deux jours, réagissent en masse au hashtag #TouchePasAMesEnfants : 27.000 posts, nous dit Le Point dans un papier scandalisé. Car, une fois de plus, bien sûr, la nuance n’est pas possible, et ne pas vouloir recevoir pour l’instant des vaccins réalisés à la va-vite et sur lesquels on n’a aucun recul est assimilé à de l’obscurantisme…
À l’origine, un article du Canard enchaîné dans sa livraison du 21 avril où l’on peut lire que « le gouvernement réfléchit […] à la possibilité de vacciner les enfants de plus de 10 ans d’ici à la fin de l’été » en vue d’atteindre « l’immunité collective ». À quoi le journaliste ajoute : « Autre question qui prospère chez les scientifiques, celle de la vaccination obligatoire. »
L’indignation s’est répandue « comme une traînée de poudre », écrit Le Point qui cite quelques tweets furieux, prouvant que le sujet, hypersensible, est devenu l’un des plus commentés du réseau social. Et puis il y a les commentateurs influents, ceux qui dérangent dans le paysage, tel Florian Philippot, le président des Patriotes, qui écrit : « Face à la folie covidiste : #touchepasamesenfants ! Ni à nos libertés, notre dignité, ni à notre pays ! » Il a, pour l’heure, 235.000 abonnés et continue de rallier des adeptes…
Reste que l’on est là sur un « sujet sensible », reconnaît le magazine, sachant que « la question de la vaccination pédiatrique devrait se poser – et sérieusement – dans les semaines ou les mois à venir. Et alimenter, à n’en pas douter, le débat public (et les fantasmes). » Toutefois, « si on l’envisage, dès cet été, aux États-Unis et au Royaume-Uni – où elle fait encore l’objet d’essais cliniques –, la communauté scientifique hexagonale peine, encore, à s’accorder. Certains voient en elle le moyen de rompre, pour de bon, la chaîne de contamination, quand d’autres persistent à faire valoir la faible contagiosité des enfants, par ailleurs peu prédisposés aux formes graves. »
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