Bruno Masure dénonce le "délire collectif [qui] ne prêtait plus à sourire" des journalistes lors des attentats de Paris. © T.F.1-CHEVALIN / SIPA
Le journaliste Bruno Masure dénonce, dans une tribune publiée lundi par Rue89, le traitement "ad nauseam" des attentats de Paris par les médias français.
Sur Rue89, le journaliste, ancien présentateur des JT de TF1 et de France 2, évoque "les mauvais souvenirs" qu'a réveillés le traitement par la presse française des attentats de Paris.
Pour expliquer son propos, Bruno Masure revient sur ses souvenirs d'un temps qu'il croyait révolu. "C'était il y a pratiquement 20 ans, se souvient Bruno Masure.
Je présentais le 20 heures sur France 2, lors de l'attentat du RER Saint-Michel le 25 juillet 1995 (8 morts, 117 blessés).
Même si les situations ne sont guère comparables (pas de vidéos ou de photos via les portables, pas de réseaux sociaux chauffés à blanc et surtout pas de concurrence sauvage entre chaînes d'information permanente), j'en demeure encore meurtri, car nous avons alors commis les mêmes dérapages."
Témoins qui n'avaient "rien vu", "aucune info fiable à apporter", Bruno Masure déplore un résultat à l'époque "pitoyable" et d'ajouter : "Au-delà de cette masturbation journalistique aux allures de gag, ce que je me reproche encore vingt ans après, c'est notre délire anxiogène.
Témoins qui n'avaient "rien vu", "aucune info fiable à apporter", Bruno Masure déplore un résultat à l'époque "pitoyable" et d'ajouter : "Au-delà de cette masturbation journalistique aux allures de gag, ce que je me reproche encore vingt ans après, c'est notre délire anxiogène.
Nous avions, hélas, fait exactement ce que les terroristes espéraient : terroriser les Français !"
En conclusion, Bruno Masure analyse les arguments des défenses des responsables des médias.
Quand l'actualité devient enfin chaude, "ils bandent et deviennent des journalistes"
Pour expliquer la redite lors des attentats de Paris, Bruno Masure relate sur Rue89 qu'"en fait les journalistes s'ennuient souvent dans leurs rédactions, les jours de monotonie où l'actu est faite de statistiques économiques, des premières neiges ou du mal-être existentiel des joueurs millionnaires du PSG".
Mais, pour lui, l'ennui ne justifie pas tout, et surtout pas ce qui s'est passé la semaine du 7 janvier. "Une nouvelle fois, [les médias ont] fait absolument n'importe quoi (supputations diverses et avariées, témoignages de témoins qui n'avaient rien vu, etc.).
Mais, pour lui, l'ennui ne justifie pas tout, et surtout pas ce qui s'est passé la semaine du 7 janvier. "Une nouvelle fois, [les médias ont] fait absolument n'importe quoi (supputations diverses et avariées, témoignages de témoins qui n'avaient rien vu, etc.).
Bref, du mauvais Paris Match (est-ce possible ?)."
Des plaintes et des procès ? "J'en doute en observant le CSA, en coma dépassé"
Concernant la couverture des événements de la semaine du 7 janvier 2015, le journaliste s'indigne outre des "erreurs ou dérapages" commis, de la "mise en danger d'autrui" et de "l'entrave à enquête" qui, rappelle Bruno Masure, "sont des délits".
"Y aura-t-il des plaintes et des procès afin de purger toute la séquence ? Et d'éviter de refaire les mêmes erreurs à l'avenir ? J'en doute en observant que le CSA, en coma dépassé depuis longtemps, a renoncé à un véritable débriefing", estime Bruno Masure.
"Jadis, quand un enfant était kidnappé (Éric Peugeot, en 1960), la police imposait à la presse un black-out absolu pour éviter toute bavure."
"Jadis, quand un enfant était kidnappé (Éric Peugeot, en 1960), la police imposait à la presse un black-out absolu pour éviter toute bavure."
Cette mesure était à l'époque respectée par les médias.
"Chacun s'astreignait au silence pour ne pas avoir de mort sur la conscience."
Un temps révolu qui pousse Bruno Masure à interroger directement les professionnels des médias sur leurs comportements.
Il s'interroge sur l'intérêt supérieur pour le téléspectateur de connaître l'identité des terroristes, alors même que cette information peut nuire à l'enquête, avec des conséquences graves à la clé.
"Devoir d'information" versus irresponsabilité
"Quitte à choquer la plupart de mes confrères qui ont un orgasme dès qu'ils aperçoivent le GIGN en action, j'affirme que si la parole est d'argent (surtout pour les actionnaires des médias privés !), le silence est d'or (idem pour toutes les supputations sur le versement de rançons d'autant plus irresponsables qu'elles surenchérissent le prix monnayable d'éventuels futurs otages)", écrit le journaliste dans Rue89.
En conclusion, Bruno Masure analyse les arguments des défenses des responsables des médias.
"Pour se défendre, les responsables (!) des médias invoquent, sans rire, le devoir d'informer. Devoir ? Mon cul ! En réalité, une volonté délibérée de gonfler ses parts de marché en scotchant la ménagère devant son téléviseur des heures entières, en agitant, à grand renfort de pseudo-experts, supputations, peurs et fantasmes. Une télé dont bavardage et remplissage sont les deux mamelles", conclut la tribune.
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