L'OTAN se réunissait à partir de ce mardi à Madrid, dans le cadre d'un « conseil de guerre » contre la Russie, comme dit Le Figaro.
Sous ce vocable un petit peu apocalyptique, convenons-en, l'objectif est plus modeste : il s'agit tout simplement, pour les membres de l'Alliance, de faire le point de leurs capacités.
L'un des buts de ce sommet de trois jours est de réussir, à terme, à mobiliser jusqu'à 300.000 soldats en Europe. Un tel chiffre, à l'échelon européen, est en lui-même l'aveu d'une terrible impuissance. 300.000 soldats, ce n'est, au regard de la Première Guerre mondiale, absolument rien. La France a perdu un million et demi d'hommes, entre 1914 et 1918. Être obligé de tenir trois jours de conseil de guerre pour trouver 300.000 personnes qui, dans toute l'Europe, seraient prêtes à mourir face à la Russie... comment dire...
La vérité est qu'à part les notables exceptions de la France et du Royaume-Uni, les armées occidentales sont devenues des échantillons faits pour le défilé et d'anecdotiques manœuvres. La France elle-même, d'ailleurs, n'est pas passée loin, mutilée par les réformes des gouvernements dits de droite, jusqu'aux attentats du Bataclan. Le Royaume-Uni, lui, en limite d'épuisement de son modèle après l'engagement afghan, peine à se reconstruire. Toutes les armées d'Europe sont en difficulté pour recruter. « L'esprit fantassin n'existe plus », comme disait Pascal dans Les Tontons flingueurs. Les États-Unis ont réussi leur pari : la quasi-totalité des États européens, jadis si grands et si belliqueux, ne présentent à la face du monde que des armées risibles.
Mais bon. Admettons. Admettons que les Européens de l'OTAN, à eux tous, sortent 300.000 soldats pour défendre les frontières. Il faut encore qu'ils soient interopérables, c'est-à-dire capables d'opérer selon des procédures communes, avec du matériel sur lequel tous sont formés. C'est l'ambition de ce conseil de guerre avec la formation d'une unité interalliée chargée de défendre les emprises de l'OTAN, comme la base roumaine de Constanta, à l'aide du système antiaérien Mamba. Mais voilà : il n'y a pas eu de formation commune sur ce système d'armes. Un détail.
L'OTAN, avec ses guerres téléguidées, ses déclarations d'intention, ses atermoiements et ses indignations vertueuses, ressemble à une version postmoderne de la défunte Société des nations. La SDN avec des canons, là où l'ONU est une SDN dénudée, une tour de Babel idéologisée devenue complètement inutile. L'hégémonie américaine, qui a stérilisé tous les outils de défense européens, jadis ravis de s'abriter derrière le confortable bouclier de l'Oncle Sam, est aujourd'hui utilisée pour des raisons inverses. Dressez-vous contre la barbarie, peuples d'Europe !, clame aujourd'hui Washington, qui a réussi à implanter son narratif simpliste dans le cerveau des dirigeants de l'OTAN.
Dans les coulisses de ce spectacle pathétique, la Turquie, elle, a réussi à avancer ses pions. Erdoğan vient d'accepter de lever son veto aux candidatures de la Suède et de la Finlande à l'OTAN... en échange d'un accord sur l'extradition des opposants kurdes. Bien joué. Les États qui ont un programme politique clair sont décidément riches de la pusillanimité des autres.
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