Ce 29 avril, János Áder, président de la République de Hongrie, a invité Viktor Orbán à former un nouveau gouvernement à la suite de sa victoire aux élections législatives du 3 avril.
Un nouveau gouvernement qui tiendra une place singulière en Europe, sur fond de guerre en Ukraine et de relations de plus en plus tendues avec l’Union européenne.
Rappelons qu’Orbán est régulièrement considéré par les médias occidentaux comme proche de Vladimir Poutine. En outre, il avait déclaré considérer le président ukrainien comme un « adversaire » et, dans le contexte du conflit, affirmé que « la Hongrie est du côté de la Hongrie ». Cela ne l’empêchait pas toutefois d’avoir soutenu la position de l’Union européenne, appuyé l’éventuelle candidature de l’Ukraine à l’entrée dans l’Union européenne et même approuvé le principe des sanctions en déclarant : « Quelles que soient les sanctions sur lesquelles les États membres de l’UE s’entendent, nous les soutiendrons. » Lors du Conseil européen du 24 février, il avait cependant obtenu que les sanctions n’affectent pas l’énergie et avait refusé de livrer des armes à l’Ukraine.
Cette position singulière de la Hongrie permet de relativiser la conception très occidentale d’un « camp du bien » et d’un « camp du mal », d'autant que la Hongrie est un pays frontalier de l’Ukraine ! Pour bien comprendre la situation, il faut se replonger dans l’histoire des relations entre ces deux pays et, surtout, ne pas perdre de vue qu’une partie de l’Ukraine a des attaches hongroises.
Rappelons que la Transcarpatie a été détachée de la Hongrie par le traité du Trianon du 4 juin 1920. Elle était alors attribuée à la Tchécoslovaquie. Elle sera, plus tard, annexée par l’URSS et, en 1945, attribuée à l’Ukraine. Elle est donc une région de l’Ukraine indépendante depuis 1991. Aujourd’hui, il y a ainsi, sur le territoire ukrainien, 150.000 citoyens ukrainiens d'origine hongroise tournés vers leur pays d’origine.
Le gouvernement hongrois avait même cherché, il y a quelques années, à donner un passeport à ces habitants. S’en étaient suivies l’expulsion du consul hongrois dans la région, des exactions commises par des nationalistes ukrainiens dans les communes majoritairement hongroises, la loi d’ukrainisation interdisant l’enseignement des élèves dans leur langue maternelle (les russophones sont concernés mais aussi les magyarophones).
Ceci contribue à expliquer pourquoi le sentiment hongrois est loin d’être pro-ukrainien. Lorsque Péter Márki-Zay a réclamé l’envoi de troupe hongroises et d’armes en Ukraine, un sondage a montré que seulement 9,5 % des Hongrois approuvaient cette idée ! Orbán avait alors rétorqué que ces armes pourraient être utilisées contre les Hongrois vivant en Transcarpatie. Et le manichéisme du candidat de l’opposition exprimé en ces termes : « Orbán et Poutine, ou l'Occident et l'Europe – voilà l'enjeu de ce scrutin. Un choix entre le côté sombre ou le bon côté de l'Histoire », n’avait guère rencontré d’approbation à en juger par le score obtenu : avec 34,46 % des voix pour 57 sièges, il est loin du Premier ministre sortant et de ses 54,10 % pour 135 sièges (deux sièges de plus qu’en 2018).
En outre, le peuple hongrois n’est pas antirusse, d’autant plus qu’il a pâti de l’attitude des Occidentaux lors des sanctions de 2013. Ainsi, Viktor Orbán, à la suite d’une rencontre avec Vladimir Poutine le 1er février, déclarait que « la politique de sanctions qui a été introduite contre la Russie a fait plus de mal à la Hongrie qu’à la Russie ».
La position de Viktor Orbán va dans le sens de son peuple qui, rappelons-le, l’a reconduit avec une forte majorité pour un nouveau gouvernement. Mais c’est un gouvernement de plus en plus isolé avec l’enlisement de l’allié russe, la défaite aux élections législatives du 24 avril de Janez Janša, président du gouvernement slovène et un des rares alliés d’Orbán, et la Commission européenne qui, cette semaine, a brandi la menace d’un gel de fonds du gouvernement hongrois pour des irrégularités dans les dépenses effectuées avec les fonds européens.
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