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samedi 21 mai 2022

[Point de vue] « Aux ordres ! » : Lettre à mon député


 

Yannik Chauvin 20 mai 2022

Monsieur le député.

Candidat LREM – oh, pardon : candidat « Ensemble », ou « Renaissance », ou je ne sais plus quoi - à votre succession, vous avez signé une charte par laquelle vous avez promis de soutenir « l’ensemble des engagements pris par Emmanuel Macron » lors de l’élection présidentielle. 

Ce faisant, vous avez quitté le noble rôle de représentant du peuple pour endosser l’habit du courtisan servile : désormais, vous ne représentez qu’un homme, fût-il président de la République. Cette inversion du rôle de député me laisse songeur.

La Constitution vous fait un devoir de « contrôler l’action du gouvernement » (art. 24). Que ferez-vous, le jour où l’on vous demandera de voter une disposition que vous réprouvez ? Votre morale sera-t-elle suffisamment élastique pour passer outre vos convictions d’homme et de représentant du peuple ? Comment contrôler quoi que ce soit lorsque vous avez décidé, les yeux grand fermés, et a priori, d’approuver mécaniquement, pendant cinq longues années, tout ce que l’exécutif vous demandera de ratifier ? Vous ne contrôlerez rien du tout. Vous serez un « élu-oui-oui », dépossédé volontairement de votre faculté d’agir et de réagir, dépouillé volontairement de votre détermination personnelle, dessaisi volontairement de la moindre initiative. Avec une telle charte de soumission, vous n’aurez même pas le pouvoir de proposer la mise en œuvre d’une mesure pourtant juste qui n’ira pas dans le sens voulu par le maître.

Faut-il que le Président et sa cuadrilla rapprochée doute de vous et de votre fidélité pour vous obliger à signer un tel abandon de pouvoir !

Par votre signature, vous faites allégeance, les deux genoux à terre ; vous tournez le dos à ce qui devrait constituer la noblesse de votre rôle, c’est-à-dire légiférer sur ce qui vous semble droit et juste, pour le bien du peuple. Au contraire, vous venez de signer un chèque en blanc, de voter les pleins pouvoirs à un seul homme, et non pas à la nation. On vous demande d’accepter pour tous les jours ordinaires l’article 16 de la Constitution : désormais, grâce à votre faiblesse – votre lâcheté ? –, le Président pourra prendre à sa guise les mesures qu’il voudra et vous, vous vous êtes obligé à approuver benoîtement, sans aucun moyen de vous y opposer, sauf à vous renier.

Dans ces conditions, que représente votre charge de député ? Vous serez « aux ordres ». On est à des myriapodes de l’idéal constitutionnel selon lequel « tout mandat impératif est nul » et « le droit de vote des membres du Parlement est personnel » (art. 27). Je ne veux pourtant pas me placer sur le terrain facile du droit, mais sur celui de l’éthique personnelle : vous avez signé pour être une ombre anonyme dans une assemblée d’ombres sans pouvoir. Une sorte de robot, en somme !

Et c’est avec ça que vous demandez aux gens de voter pour vous !

Je vous souhaite un excellent mandat.

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