Depuis cinq jours, le monde occidental a les yeux braqués sur l’Ukraine et l’attaque des forces armées russes sur cette ancienne république communiste de l’URSS.
Indignation, atermoiements et larmes (parfois de crocodile) sont au rendez-vous, le sort des Ukrainiens est devenu celui de tous les Européens.
Comment rester insensible au sort de ce pays envahi ? Entre un Emmanuel Macron se rêvant chef de guerre et une Ursula von der Leyen fantasmant déjà une Union européenne à 28, plusieurs observateurs de la vie géopolitique se sont pourtant étonnés de cet emportement sélectif vis-à-vis de l’agression russe quand, quelques mois en arrière, le monde occidental restait de marbre face à l’invasion du Haut-Karabagh par les soldats azerbaïdjanais.
Petit rappel des faits.
À l’automne 2020, la république autonome du Haut-Karabagh, rattachée à l’Arménie, est envahie par les troupes de l’Azerbaïdjan, pays voisin soutenu par la Turquie. En quelques semaines, les soldats azéris vainquent l’armée arménienne, notamment grâce à un meilleur équipement militaire et l’usage de redoutables drones kamikazes, de fabrication israélienne. Humilié, le gouvernement arménien signe un accord de paix et renonce à un tiers du territoire du Haut-Karabagh. Plusieurs témoignages du front feront état d’ignobles crimes de guerre commis par les azéris, partisans, pour certains, d’une guerre sainte aux relents djihadesques contre les chrétiens d’Arménie. Décapitations publiques, expropriations, humiliations des prisonniers de guerre, le vae victis prononcé par l’Azerbaïdjan sur l’Arménie vaincue n’a pas vraiment suscité le même émoi que l’invasion russe en Ukraine.
Alors que l’Union européenne annonce vouloir financer intégralement l’équipement militaire ukrainien, que tous les pays membres se disent prêts à accueillir des réfugiés, que la classe politique occidentale dans sa quasi-totalité soutient l’Ukraine et son président Zelensky, l’étonnement est de mise. Pourquoi une telle inconditionnalité alors même que, quelques mois plus tôt, le peuple arménien, culturellement européen et spirituellement chrétien, comme celui d’Ukraine, sacrifiait sa jeunesse pour une guerre sur laquelle les Européens posèrent à peine les yeux ?Le journaliste et écrivain Jean-Christophe Buisson, directeur adjoint du Figaro Magazine, s’est particulièrement intéressé à la guerre du Haut-Karabagh et s’est rapidement hissé en lanceur d’alerte sur la question des exactions azéries. Dans un entretien accordé au Point, il rappelle que « l’Azerbaïdjan est un pays qui animalise ses ennemis et dont le président Ilham Aliev a encouragé ses troupes à chasser les Arméniens de leurs terres “comme des chiens” ». Haine raciale, crimes de guerre, maltraitance, les troupes azéries ont pourtant commis le pire aux yeux d'une société occidentale profondément pacifiste et encline à s’ériger en défenseuse de la morale. Il n’y a pas si longtemps, la Libye était détruite parce que son président Kadhafi réprimait des émeutiers dans le sang tandis que, quelques années après, la Syrie était coupée du monde suite aux fameuses suspicions d’attaques chimiques à la Ghouta… Mais pour la guerre du Haut-Karabagh, nada !
Il faut dire que l’Arménie, malgré sa diaspora de 700.000 personnes en France, n’attire guère l’empathie des élites occidentales. Enclavée, politiquement trop proche de la Russie, ne disposant ni de gaz ni de pétrole ni de minerais, ce petit pays qui fut le premier royaume chrétien de l’Histoire n’aura pas le droit à son « Stand for Armenia » ni à ses petits carrés de couleur que l’on affiche en soutien sur les réseaux sociaux. Le traitement de faveur accordé à l’Ukraine et aux Ukrainiens qui, par ailleurs, ont toutes les raisons du monde de se battre contre l’envahisseur russe, donne à réfléchir sur le véritable prix de l’empathie occidentale. Après tout, si le président ukrainien Volodomyr Zelensky n’était pas aussi bon communicant, si les réserves céréalières du pays n’étaient pas aussi massives et, surtout, si l’Ukraine ne correspondait pas, géographiquement parlant, à la plus grande épine qu’il soit possible de mettre dans le pied de Vladimir Poutine, l’Occident s’érigerait-il en sauveur du peuple d’Ukraine ?
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